dimanche 26 juin 2011

Dernière ligne droite

Chers élèves,


Ça y est, vous vous engagez dans les toutes dernières révisions durant ces derniers jours d'avant concours!!! (on angoisse, hein?!!!)


Nous vous proposons ici quelques conseils de dernières minutes:


1)Inutile de stresser excessivement (là, on ne plaisante plus!), car 50% de votre réussite tient en votre capacité à gérer vos émotions, vos peurs, qui inversement pourraient entraîner un blocage ou autre... bref, vous poussez vous-mêmes à l'échec! « En vérité, en vérité, je vous le dis », vous avez travaillé très sérieusement toute l'année, vous vous êtes entraînés, etc., donc vous avez vos chances!!!


2) Donc(bis), on y va, on se jette à l'eau. On applique TRÈS TRÈS scrupuleusement la méthode: c'est le minimum pour que votre copie mérite d'être corrigée! (revoyez à cet effet l'article suivants: http://sciencepostremi.blogspot.com/2011/01/rappel-sur-la-methode-de-la.html )


3) Attention, les sujets peuvent vous surprendre et c'est normal: c'est un concours et non un examen, comme le baccalauréat, par exemple. Donc, appuyez-vous sur votre brouillon, recopiez le sujet et analysez-le, triturez-le, autopsiez-le: bref, « faites-lui cracher ce qu'il a dans le ventre » et vous trouverez votre problématique et votre plan, en étant HYPER rigoureux autant sur le fond que sur la forme ( = On applique TRÈS TRÈS scrupuleusement la méthode, ok?!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!)


4) Enfin, de lundi à vos dates respectives (Paris/Province), ne vous contentez pas uniquement de lire et relire vos fiches de révision: chaque jour, ayez une hygiène de vie irréprochable, dormez bien, mangez équilibré, coupez-vous du monde, sauf des infos sur France culture, faîtes filtrer les nouvelles délirantes concernant le bac et les fraudes par vos parents, par ex., car IL N'Y A PLUS QUE LE CONCOURS QUI COMPTE!!! Si possible, trouvez-vous chaque jour deux heures d'entraînement à l'écrit = prenez un sujet, du brouillon et au boulot! Certes, deux heures, c'est plus court qu'au concours, mais ce conseil sert aussi à vous forcer à gérer votre temps. PENSEZ À LA QUALITÉ DE VOTRE STYLE ÉCRIT: ORTHOGRAPHE, CONJUGAISON, etc.

À cet effet, voici quelques sujets des années précédentes:





Pour l'Histoire:


Le président de la République dans les institutions et la vie politique françaises depuis 1958;


La France dans le monde de 1945 à nos jours;


Les relations entre la France et l'Allemagne de 1945 à nos jours;


Le Tiers Monde depuis 1945;


Les partis politiques en France de 1945 à nos jours;


La construction européenne de 1945 à nos jours;


La croissance économique dans les pays industriels d'économie libérale dans la seconde moitié du XXème siècle.


Pour les thèmes du concours commun: (des pistes)


Les frontières:


Faut-il supprimer les frontières?


La mondialisation et les frontières


Un monde sans frontières est-ce utopique?


Les frontières arrêtent-elles les idées?


L'argent:


Tout se monnaie-t-il?


L'argent corrompt-il toujours?


Afin de vous aider à comparer, en 2010 sont tombés « Une politique de l'environnement est-elle possible? »(sujet n°1) et « Une société qui vieillit est-elle condamnée au déclin? »(sujet n°2).



Pour info., bien qu'il soit particulièrement tard pour en profiter, le magazine « Marianne » se décline en un nouvel hors-série intitulé « Les textes », sous la forme d'une compilation de textes « classiques » autour d'un thème commun, afin de contribuer au débat d'idées, pour reprendre le contenu de l'éditorial de Pierre Feydel et d'Alexis Lacroix en page 3 du premier numéro de cet hors-série. Or, ce premier numéro a pour thème... « l'ARGENT » (oui, nous sommes en accord avec vous, chers élèves, dommage que ce soit à quelques jours du concours!). Néanmoins, pour vous apporter une aide fort modeste, nous vous proposons une sélection de citations issues de ce magazine, pour stimuler vos révisions, voire de vous trouver une accroche pour vos exercices écrits à venir.



La sélection ci-dessous ne suit pas un ordre particulier:


« L'art de gouverner consiste à prendre le plus d'argent possible à une catégorie de citoyens afin de le donner à une autre. » (Voltaire, philosophe, 1694-1778)


« L'argent est très estimable, quand on le méprise. » « Il faut savoir le prix de l'argent: les prodigues ne le savent pas, et les avares encore moins. » « Vous faites bien d'amasser de l'argent pendant votre vie. On ne sait ce qui arrivera après la mort. » (Montesquieu, philosophe, 1689-1775)


« Quand l'argent précède, toutes les portes s'ouvrent. » (Shakespeare, auteur dramatique, 1564-1616)


« L'argent... est un bon serviteur et un mauvais maître. » (Dumas fils, auteur dramatique, 1824-1895)


« Sans argent, l'honneur n'est qu'une maladie. » (Racine, auteur dramatique, 1639-1699)


« Que peuvent les lois là où ne règne que l'argent? » (Pétrone, poète, 1er siècle)


« L'argent ne fait pas le bonheur. C'est même à se demander pourquoi les riches y tiennent tant. » (Feydeau, auteur dramatique, 1862-1921)


« [L'argent] transforme la fidélité en infidélité, l'amour en haine, la vertu en vice, le vice en vertu, le valet en maître, la bêtise en intelligence. » (Marx, philosophe, 1818-1883)

Bon courage.
A. Cuvelier, pour l'équipe Sces Po du lycée St Rémi, Roubaix

mardi 14 juin 2011

La démondialisation, suite (2)

Chers élèves,

Le débat sur la « démondialisation » est lancé (et c'est tant mieux, quelque soit son camp!) !!! Donc, vous qui révisez, entre autres, le thème des « frontières » pour le concours d'entrée à Sces Po, il est utile de réfléchir au(x) concept(s) de (dé)mondialisation. Pour ce faire, nous vous proposons de suivre, à nouveau, la rubrique de Julie Clarini, « Les idées claires », sur France culture : http://www.franceculture.com/emission-les-idees-claires.html . En effet, vous y trouverez des références intéressantes sur ce sujet, références que nous prolongeons de notre côté en notes de bas de page.

Enfin, nous ne nous contenterons pas d'un simple "copier-coller", une suite à cet article, notamment dans le cadre du thème des "frontières", sera proposée sur ce blog très très rapidement.

Bonne lecture.

A. Cuvelier, pour l'équipe Sces Po du lycée St Rémi, Roubaix


Démondialisation (encore) source : http://www.franceculture.com/emission-les-idees-claires-demondialisation-encore-2011-06-13.html

Las, les idées ne sont pas toujours très claires ! Au palmarès du flou, le concept de « démondialisation » occupe sans doute aujourd'hui la première marche.

Mais qu'est-ce donc que ce concept neuf, quasiment inconnu l'année dernière encore, qui vient occuper l'espace du débat intellectuel et politique – de manière un peu effrontée, sans se présenter, sans égard pour l'altermondialisation, avec qui pourtant on pourrait lui supputer un vague cousinage ?

Regardez un peu : il a été baptisé par le philippin Walden Bello (1), sociologue de la mouvance altermondialiste, inventeur du concept au début des années 2000, mais se retrouve aujourd'hui adopté par le Front National. Alors même que sort en librairie un petit ouvrage d'Arnaud Montebourg nous engageant à voter pour la démondialisation (2). Effet de brouillage garanti !

Mais attention la mode n'a pas converti toute la gauche. Le très bon dossier du mensuel Alternatives économiques (3) le montre clairement dans le numéro de ce mois de juin.

Qu'y apprend-on ? Eh bien que la mondialisation n'a pas tenu ses promesses, et ne pourra pas se poursuivre au même rythme. Même ses thuriféraires l'admettent aujourd'hui.

Existe-t-il pour autant un consensus qui désigne la « démondialisation» comme la solution ? Pas du tout. Et puis d'ailleurs qu'entend-on par « démondialiser »?

Je vais vous proposer de départir les camps en présence, non pas sur leur définition de la démondialisation stricto sensu, mais sur leur analyse de la situation sociale.

Vous verrez qu'on parvient mieux à saisir les choses par ce bout.

En gros : la question déterminante est celle-là : la dégradation de la situation du travail et de l'emploi tient-elle à l’accélération de la mondialisation dans les années 90 ? Si vous en êtes convaincu, vous vous trouverez une proximité avec des intellectuels comme l'historien Emmanuel Todd (4) et l'économiste Jacques Sapir (5) .

Jacques Sapir, par exemple, pense que l'impact de la mondialisation sur l'emploi a été très important. A cause des délocalisations d'abord, des délocalisations des entreprises industrielles ou de leurs sous-traitants, à cause aussi de l'effet de dépression salariale induite par la concurrence des travailleurs des pays émergents. Moins les salaires sont hauts en France, moins la demande intérieure ne croît, et moins on crée d'emplois, explique-t-il à Alternatives économiques.

Une seule solution, la démondialisation : on remet des barrières douanières dignes de ce nom et en échange, pour que les émergents ne soient pas victimes de ce nouveau protectionnisme, pour qu'ils n'y perdent pas tout, on accepte de leur reverser une partie de ces taxes afin qu'ils améliorent leur niveau de protection sociale. Quand il sera identique au nôtre, ces taxes ne seront plus nécessaires. C'est donc une sorte de « protectionnisme altruiste », grâce auquel on assure une convergence par le haut.

Mais c'est l'idée même que la dégradation de l'emploi soit liée à la mondialisation que contestent plusieurs économistes dont le spectre est très large puisque un proche de Dominique Strauss-Kahn comme le très réputé Daniel Cohen (6) partage les vues des économistes d'ATTAC (7) .

Ceux-là ont signé sur Médiapart (8) une charge contre la démondialisation, concept à leurs yeux superficiel et simpliste : je vous en cite quelques lignes « Le chômage incompressible, la précarité généralisée, la destruction progressive du droit du travail, de la protection sociale et des services publics au sein des pays développés, ne sont pas d'abord imputables aux pays émergents mais aux politiques systématiques amorcées à la fin des années 1970 lorsque les classes dominantes ont entrepris de rétablir la rentabilité des capitaux ».

Daniel Cohen ne dit pas autre chose : « le gros des destructions d'emplois dans le secteur industriel tient davantage aux gains de productivité qu'au commerce mondial. » et poursuit-il dans l'entretien avec Alternatives économiques : « la plupart des facteurs qui expliquent la montée des inégalités se sont mis en place avant que la mondialisation ne batte son plein entre 1995 et 2005. » Il incrimine la réorganisation des entreprises qui est parvenue à affaiblir le syndicalisme, et par ricochet à affaiblir les normes salariales.

Alors que préconise-t-il, lui ? Eh bien plutôt qu'un retour aux barrières douanières, une autre gouvernance mondiale qui intègre les normes sociales et environnementales...

Bref, avec ces deux analyses parfaitement différentes des causes de la stagnation sociale actuelle, on est bien embarrassé pour prendre son parti.

Ce n'est pas tous les jours qu'on se trouve en présence d'un concept venant de l'altermondialisme, adopté par la gauche du PS et le FN, récusé par ATTAC, mais défendu par des intellectuels historiquement proches du souverainisme... Et oui, si on résume, ça donne ça. Humm, la campagne présidentielle à venir aura bien besoin qu'on s'éclaircisse les idées !

(Julie Clarini pour l'article ci-dessus, voir: http://www.franceculture.com/ )

1: http://fr.wikipedia.org/wiki/Walden_Bello , voir : http://waldenbello.org/

2: http://www.desideesetdesreves.fr/libre-echange-et-demondialisation

3: http://www.alternatives-economiques.fr/mondialisation-nbsp---le-debut-de-la-fin-nbsp-_fr_art_1094_54460.html

4: http://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Todd

5: http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Sapir

6: http://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Cohen_%28%C3%A9conomiste%29, voir : http://danielcohen.blogs.nouvelobs.com/

7: http://www.france.attac.org/

8: Voir à ce sujet la charge contre la « démondialisation » : http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/060611/la-demondialisation-un-concept-superficiel-et-s

(c'est "sportif" le débat d'idées, n'est-ce pas?)

lundi 13 juin 2011

La Philo. sur France culture, suite et fin

Chers élèves,

Voici la suite & la fin de la semaine consacrée au bac de philo sur France culture : http://www.franceculture.com/2011-06-07-bac-philo-2011.html. A écouter, réécouter, stylo et feuilles à la main. Nous intégrons donc au blog les derniers sujets étudiés, ainsi que les plans détaillés. A suivre très très bientôt la transcription du sujet : L'action politique doit-elle être guidée par la connaissance de l'histoire ?

En attendant, nous vous rappelons que dans vos révisions, il n'y a aucune honte à travailler aussi avec vos cours et vos annales(+corrigés) sous les yeux. En effet, cela permet également de vous pousser à suivre la logique de la construction d'un raisonnement, et donc en le suivant de l'insérer dans votre pensée, et par là même dans votre appréhension de l'épreuve. EN CLAIR, soyez RIGOUREUX, il faut impérativement penser à appliquer les méthodes enseignées par vos professeurs ! Appliquez, et vous en serez récompensés.

Sujet : L'action politique doit-elle être guidée par la connaissance de l'histoire ? Source : http://www.franceculture.com/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-bac-philo-2eme-semaine-25-l-action-politique-doit-e

Plan détaillé :

I) Nous pouvons déterminer l'action politique par la connaissance de l'histoire

A. L’école des annales : le temps long de l'action politique.

B. Le rapport de cause à effet en histoire

II) Le progrès de l’humanité que vise dans l’histoire l’action politique se fait sous certaines conditions.

A. La notion de praxis chez Karl Marx.

B. L'impossibilité de tirer des leçons de l'histoire ; là où l’homme pourrait il ne le fait pas.

C. Raymond Aron : Il n y a pas de sens définitif à l’Histoire qui est une reconstruction du passé.

III) L'ambiguïté du positionnement de l’homme dans le temps ou comment, sous quelles conditions, le passé peut-il être un tremplin pour l’action sensée ?

A. F. Nietzsche : L’homme ne doit pas ruminer son passé sans fin.

B. L’Histoire n’est pas un spectacle à regarder mais une responsabilité à l’égard de ce qui arrive.

  1. Il faut organiser l’action politique par laquelle les hommes essaient de concrétiser leur espérance dans l’expérience léguée par le passé.

Bibliographie conseillée :

- Paul Ricoeur, Temps et récit III, Le temps raconté, Seuil 1991, p.391.

- Hannah Arendt, Le système totalitaire (1954), seuil, 1972, p.230-232

- Raymond Aron, Dimensions de la conscience historique (1961), Plon, p.16-18.

- Hegel, La raison dans l’histoire, 1830, coll.10-18, pp35-36.

- Hegel, Leçons sur la philosophie de l’histoire (cours de 1822)

- Cournot, Considérations sur la marche des idées et des événements, L.I, chap.1, Hachette, 1872.

  • Fernand Braudel La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II (1949), tome 1, Préface à la seconde édition, A. Colin, 1979, pp. 16-17.

Invité(s) :
Sebastien Gury, professeur de philosophie au Lycée Français Vauban au Luxembourg
Charles Pépin, philosophe Romancier

Sujet : Le désir nous impose-t-il d'en faire l'épreuve ? Source : http://www.franceculture.com/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-bac-philo-2eme-semaine-35-le-desir-nous-impose-t-il

Plan détaillé :

I) Le paradoxe du désir comme une épreuve en soi : la force irrésistible née de la faiblesse insurmontable :

a) Le désir : le sujet à l’épreuve du corps

b) Le désir : le sujet à l’épreuve d’une chosification de la conscience par le corps

II) Le réel à l’épreuve du désir : l’imagination (le plaisir imaginé), le désir à l’épreuve du réel : la Raison (la déception « réaliste »)

a) Le désir : lorsque l’imagination destitue la Raison : le sujet à l’épreuve d’un renversement hiérarchique : le jugement troublé.

b) Le jugement troublé : le nécessaire retour à la Raison : la volonté pour ne plus désirer :

III) Faire l’épreuve du désir : être à l’épreuve de la grande Raison qu’est le corps : une logique qui dépasse l’étroite rationalité de la petite Raison

a) Le désir : l’essence de l’homme : Spinoza

a) Désir : faire l’épreuve du corps par-delà ce que la Raison tolère ; le désir : l’expérience de la grande Raison qu’est le corps : le risque de la métamorphose

Bibliographie conseillée :

Sartre : L’Etre et le Néant, édition Tel Gallimard

- Introduction : A la recherche de l’Etre : L’idée du phénomène : pp.11-13

- Première Partie : Le problème du Néant, chapitre I : IV, V : pp.51-56

- Troisième Partie : Le pour-autrui, chapitre III : II : pp.413- 449

Schopenhauer : Le monde comme volonté et comme représentation, édition PUF

- Du paragraphe 56 au paragraphe 60 : pp.389 - 417

Epictète : Manuel d’Epictète, édition G. Flammarion, traduction : E. Cattin

- Texte I : pp.63-64

- Texte XXXIV : p.83

Spinoza : Ethique, édition G. Flammarion, traduction : C. Appuhn

- Troisième partie : De l’origine et de la nature des affections : pp. 133-216

Nietzsche : La généalogie de la morale, édition Gallimard, Colli et Montinari

- Première dissertation : « Bon et méchant » « Bon et mauvais » : de l’aphorisme 1 à l’aphorisme 13 : pages correspondantes : pp.223-243

: La volonté de puissance, édition Tel Gallimard, traduction : G. Bianquis

- Morphologie et évolution de la volonté de puissance : chapitre premier :

L’infinie ressource du vouloir-vivre créateur : (de l’aphorisme 8 à l’aphorisme 51) : pages correspondantes : pp.221-236

- Chapitre III : Le nouveau concept de l’individu : (de l’aphorisme 172 à l’aphorisme 278) : pages correspondantes : pp.283-320

Stendhal : De l’amour, édition Folio

- Chapitres I, II : pp.27-36

- Chapitres XI, XII : pp.48-51

Invité(s) :
David Simard, philosophe, diplômé en sexologie, écrivain
Sandrine Guignard, professeur de philosophie au Campus Sainte Thérèse d'Ozoir-la-Ferrière en Seine-et-Marne

Sujet : La Philosophie peut-elle enseigner la joie de vivre ? Source : http://www.franceculture.com/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-bac-philo-2eme-semaine-45-la-philosophie-peut-elle-

Et là, bonne nouvelle pour vous si vous n'aimez pas le simple plan : Plan détaillé :

La philosophie peut-elle enseigner la joie de vivre ?

« Les philosophes, disait Henri Bergson, qui ont spéculé sur la signification de la vie et sur la destinée de l’homme n’ont pas assez remarqué que la nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus elle-même. Elle nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie. La joie annonce toujours que la vie a réussi, qu’elle a gagné du terrain, qu’elle a remporté une victoire : toute grande joie a un accent triomphal ».

Cette réflexion fine et profonde contredit une certaine « image » de la philosophie qui n’en retient que l’aspect spéculatif et abstrait. Le penseur serait un être virtuel qui rentrerait en lui-même pour douter de tout. Bergson, à l'inverse, célèbre la joie dans la philosophie et au sein de la vie. Mais la vie a-t-elle vraiment besoin de la philosophie ? Sa spontanéité et sa fraicheur ne doivent-elles pas plutôt sauvegardées ? « Qui accroît sa science, accroît sa souffrance » disait l’Ecclésiaste, et le Faust de Goethe de nous prévenir : « mon ami, grise est toute théorie, mais vert et florissant est l’arbre de la vie ».

Il y eut pourtant des philosophes, tels Montaigne et Spinoza, peut-être même Pascal, pour prétendre le contraire. Quelles étaient leurs leçons ? Sont-elles toujours d’actualité ? Quelle part la méditation peut-elle apporter à la joie de vivre ? Est-elle suffisamment puissante pour contrer le malheur et le tourment dont souvent nous affligent les circonstances de la vie et leur retentissement dans l'esprit ? Pourquoi la nature nous a-t-elle dotés de l’intelligence ? La vie n’y gagne-t-elle infiniment ? Mais quoi exactement ?

***

Première partie : retour sur la philosophie comme « art de vivre ».

1. Peut-on apprendre à « bien vivre » et à « jouir de la vie » ?

Une juste compréhension des difficultés soulevées par la question proposée suppose, comme toujours, une mise en évidence des apories et des perplexités qu’il faut savoir mesurer exactement pour espérer les résoudre. L’apprentissage suppose la répétition, la joie, comme la vie, est chaque fois neuve et singulière ; la réflexion est rétrospective, la joie va de l’avant ; la pensée met à distance, la joie est d'un seul tenant. Entre la vie et la conscience, il n' y a, semble-t-il, pas seulement séparation mais franche opposition.

« Sans la faculté d’oubli, disait Nietzsche, il ne pourrait y avoir ni bonheur, ni sérénité, ni espoir, ni fierté, ni jouissance de l’instant présent ». La conscience humaine vient entraver le cours naturel de la vie. Elle le bouscule par la préoccupation du futur. Elle y creuse la nostalgie des choses passées. Elle entretient l’inquiétude. Le regret et le remord, la crainte et le souci sont ses compagnes ordinaires. La philosophie, ne peut qu’accentuer ce trait, qui affirme, avec Platon, que « philosopher, c’est apprendre à mourir ». Ainsi, le Gorgias se clôt sur un grandiose mais crépusculaire « mythe des Enfers » où l’âme, mise à nu, ne peut échapper à la pesée de sa toute vie. Transparente au regard impavide des Juges Divins, elle est, comme dans le Portrait de Dorian Gray, un tableau fatal où se gravent ses turpitudes. La leçon est claire : « Connais-toi toi-même ».

Philosopher serait donc apprendre à revenir à soi, travailler à écouter la voix intérieure de sa conscience, se détourner des satisfactions sensibles et charnelles, comme de toute grandeur extérieure, qui écartent de soi. « Dans la connaissance de soi, écrivait le mystique allemand, Hamann, seule la descente aux Enfers ouvre les portes de l’apothéose ». Cette conversion n’est pas nécessairement souffrance ; elle s’enracine malgré tout dans l’expérience de la désillusion. Elle postule une séparation symbolique de l’âme et du corps. Elle commande un recul devant le plaisir. Elle discrédite le mouvement spontané du désir.

2. Le paradoxe d’une « méditation de la vie » : la joie comme finitude assumée.

Pour Epicure, matérialiste et penseur antique du « plaisir », « la philosophie est une activité qui, par des discours et des raisonnements, nous procure la vie heureuse. » Il y a donc bien un rapport direct entre la pensée, les « exercices spirituels », et le bonheur de vivre.

La pensée d’Epicure est, on le sait, un éloge du « plaisir » qui lui valut une longue tradition de calomnie. « Pour le corps disait Lucrèce, l’absence de douleur, et pour l’esprit, un sentiment de bien-être, dépourvu d’inquiétude et de crainte ». Le plaisir visé, dont la nature est très spécifique, suppose un « art ». Il peut être « au repos ». Il peut être « en mouvement » ; il est alors joie ou gaité. L’amitié, philosophique, mais aussi le soin, entre maître et disciples, des « choses de la vie » et de l’esprit en sont des conditions essentielles, tout de même que l’attention au corps et à nos sensations. L’épicurisme ouvre ainsi une dimension subversive que l’on retrouve dans toute pensée du plaisir. « Volupté, écrira Nietzsche, l’épine et l’écharde pour tous les contempteurs du corps en chemises de pénitents, maudite en tant que terrestre chez les adorateurs d’arrière-mondes : car elle nargue et se moque de tous les professeurs d’embrouillamini. […] Pour les cœurs libres, librement et innocemment, le bonheur champêtre de la terre, tout le trop plein de reconnaissance de tout avenir dans le maintenant ». Et de même, Montaigne : « chercheront-ils pas la quadrature du cercle, juchés sur leurs femmes ! Je hais qu’on nous ordonne d’avoir l’esprit aux nues, pendant que nous avons le corps à table ».

Cette sagesse donc est paradoxale. Elle qui glorifie, comme l’auteur des Essais, « les plaisirs présents, de la loi humaine et générale, intellectuellement sensibles, sensiblement intellectuels » valorise des moyens « non-philosophiques », tels que la musique, le commerce de nos semblables ou la lecture. Elle recommande le secret. « Vivons heureux, vivons cachés ». Si l’épicurien affirme que « la vie la plus douce est la vie sans pensée », c’est dans un mouvement second, car cette immédiateté peut être retrouvée et l’oubli du présent, sans cesse combattu. « Toi, dit Epicure, qui n’es pas de demain, tu ajournes la joie ; la vie périt par le délai, et chacun de nous meurt affairé ».

Une série de conseils seront donc proposés sous la forme du fameux tretrapharmakos ou « quadruple remède » précédé d’un impératif prosaïque mais catégorique : n’attends pas ! Carpe diem ! Ne va pas effectuer le long détour de la savante formation platonicienne ! Va d’emblée et immédiatement à la joie ! Cueille le moment et l’instant ! Sur le champ ! Ecoute ton désir. Pour cela, malgré tout, des précautions sont utiles car il faut écarter les obstacles.

Quatre obstacles. Quatre peurs. Quatre remèdes. La peur de la mort ou le désir d’immortalité. La peur des dieux ou la crainte des tourments de l'Enfer. La peur de la douleur. La peur de perdre l'être aimé. A chacun de ces tourments, un remède. La « mort n’est rien » mais la vie est limitée. La mort n’est pas au bout, car il n’y a rien au bout. Quand elle sera là, nous n’y serons plus. Plutôt, comme le conseillait Pindare, « épuiser le champ du possible » ; « devenir celui que nous sommes ». Mais les Dieux ? Mais la conscience morale ? Mais la culpabilité ? Mais la peur de ne pas être à la hauteur ? « L’être bienheureux et incorruptible, répond Epicure, n’a pas lui-même de souci et n’en cause pas à autrui : de sorte qu’il n’est sujet ni à la colère ni à la bienveillance : car tout ce qui est tel est le propre d’un être faible ». La sanction n’est qu’un moyen, l’objectif est de devenir meilleur et donc de prendre plaisir à ce qui rend notre vie heureuse. Mais la douleur, l’injustice, la méchanceté ? Il faut se garder de ce qui fait trop souffrir et de ce qui cause des peines sans nombre, comme les passions amoureuses, les luttes politiques ou la vie de l’homme d’affaires. Quant à l’expérience du malheur et des aléas de la vie, le souvenir des jours heureux viendra y parer. Rien ne pourra les ôter, s’en ressouvenir sera en jouir doublement. La nostalgie, qui « sourit à travers les larmes », en décuplera la douceur.

3. La joie comme désespoir surpassé.

Un pas de plus nous fera comprendre la gravité de cette sagesse, car la vraie légèreté ne va jamais sans la profondeur. « Quand je danse, je danse, dit Montaigne, quand je dors, je dors ». La disponibilité à la vie suppose une essentielle humilité. « Le déterminer et le savoir, ajoute-t-il, comme le donner, appartiennent à la régence et à la maîtrise ; à l’infériorité, sujétion et apprentissage, appartiennent le jouir et l’accepter ». La souffrance et l’insatisfaction qui travaillent les hommes viennent de leur présomption. Ils voudraient être les « maîtres et possesseurs de la nature ». Ils n’en sont que les « usagers ». Ils voudraient que l’ordre du monde suive leurs désirs. Ils voudraient lui faire faire « leurs quatre volontés ». Il leur faut l’accepter tel qu'il est et y trouver et matière à joie ou à consolation.

Montaigne curieusement n'est pas si loin de Pascal. Dans son fameux « Mémorial », le janséniste transcrit une expérience de ravissement mystique. « Joie, Joie, Joie, pleurs de joie ». Ajoutant, « je m’en suis séparé. Mon Dieu, me quitterez-vous ? ». La joie paraît d’autant plus profonde qu’elle est plus soudaine, inespérée, imméritée, violente mais gratuite. Il n’est donc pas étonnant qu’elle survienne après le déchirement et traverse victorieusement le désespoir.

Cela se retrouve dans Nietzsche. « Le monde est profond, chante en dansant Zarathoustra ; Et plus profond que le jour ne le pensait ; Profonde est sa douleur ; Joie plus profonde encore que peine de cœur ; La douleur dit : Passe et Péris ; Mais toute joie veut l’Eternité ». Le Cantique de Bach « Que ma joie demeure ! » est du même compositeur que les deux Passions. « L’Hymne à la Joie », symbole de l’Union Européenne, émeut d’autant plus qu’à deux pas de Weimar, patrie du poète et du compositeur, se trouve Buchenwald.

***

Cette évocation permet d’appréhender les limites de la méditation et de la philosophie face aux malheurs du monde.

Seconde partie : l’impuissance de la raison pure

1. L’épreuve de la souffrance et la question du « soin ».

Le projet cartésien marque le recul d’une thérapie philosophique de l’âme, au profit de la médecine qui rend, autant qu’elle le peut, « comme maîtres et possesseurs de la nature ». Ce ne sont pas les exercices spirituels qui peuvent vaincre la maladie et faire recouvrer la santé « laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous autres biens en cette vie ». Jugeant l’art médical de son temps, celui de Molière, Descartes précise qu’il « qu’il n’y a personne, même de ceux qui en font profession, qui n’avoue que tout ce qu’on y sait n’est presque rien, à comparaison de ce qui reste à savoir, et qu’on se pourrait exempter d’une infinité de maladies, tant du corps que de l’esprit, et même aussi peut-être de l’affaiblissement de la vieillesse, si on avait assez de connaissance des causes, et de tous les remèdes dont la nature nous a pourvus ». Nous le vérifions tous les jours.

Mais la victoire de Descartes et son fameux « Je pense donc je suis » est, par certains côtés, une victoire « à la Pyrrhus ». Elle exalte les pouvoirs du sujet mais rompt la pratique sociale du « philosopher ». « Il serait très désirable, notait Freud, que les philosophes et les psychologues, qui élaborent par ouï-dire, ou à l’aide de définitions conventionnelles, d’ingénieuses doctrines sur l’inconscient, fissent d’abord des observations concluantes en étudiant les phénomènes de la pensée obsessionnelle ; on pourrait presque l’exiger, si cette tâche n’était de beaucoup plus pénible que leurs méthodes habituelles de travail ». Il est à craindre que la pensée seule, et singulièrement la philosophie, soit démunie face aux épreuves de la vie et aux diverses pathologies tant du corps que de l’esprit. Il faut se défier des marchands de bonheur et des pourvoyeurs de sagesse.

Mais Freud nous apprend que nos tourments tiennent aussi aux contraintes sociales et à la civilisation elle-même. « La psychanalyse a souvent eu l’occasion d’apprendre à quel point la sévérité indubitablement sans discernement de l’éducation participe à la production de la maladie nerveuse, ou au prix de quel préjudice de la capacité d’agir et de la capacité de jouir la normalité est acquise. Elle peut aussi enseigner quelle précieuse contribution à la formation du caractère fournissent ces instincts asociaux et pervers de l’enfant, s’ils ne sont pas soumis au refoulement, mais sont écartés par le processus dénommé sublimation de leurs buts primitifs vers des buts plus précieux ».

2. L’action collective et la puissance de la joie partagée.

Il semble curieux d’affirmer que la politique s'enracine dans la joie, tant elle semble orientée vers la conquête du pouvoir ou la lutte pour la défense des droits. Et pourtant l’expérience historique garde mémoire de ces grands moments de liesse et de « fête révolutionnaire » qui fondent une Nation. 1789, 1968, plus récemment, le « printemps de peuples ». La philosophie, comme la littérature, la chanson et l’imaginaire collectif, célèbrent ces expériences « mémorables » et « prophétiques ». « Que la révolution d’un peuple spirituel que nous avons vu s’effectuer de nos jours, écrit Kant réussisse ou échoue ; qu’elle amoncelle les misères et les crimes atroces […] – cette révolution, dis-je, prouve néanmoins dans les esprits de tous les spectateurs (qui ne sont pas engagés dans ce jeu) une sympathie d’aspiration qui touche de près à l’enthousiasme ».

« Rien de grand dans le monde, dit aussi Hegel, ne s’est fait sans passion » Pointant ses excès, Kant rappelle la face sombre de 1793. Malraux, à Madrid en 36, parlera « d’illusion lyrique ». Notre époque se complaît dans un scepticisme désabusé. Il doit être dépassé. Même déçues, les expériences fondatrices restent mémorables par « les possibles » dévoilés et l'Espoir qu'elles fondent.

La question de la joie, comme de la tragédie, est donc bien au centre du « bien vivre en commun ». Et cela se retrouve déjà chez Aristote : « l’homme, écrit-il, qui est dans l’incapacité d’être membre d’une communauté, ou qui n’en éprouve nullement le besoin parce qu’il se suffit à lui-même, ne fait en rien partie d’une cité et est par conséquent une brute ou un dieu ». Mais le lien substantiel de l’action et de la joie est bien mis en évidence par la distinction que fait la philosophe allemande Hannah entre la force, la terreur et la puissance. La force est physique, c’est l’arme du despotisme ; la terreur est terrassante. Dans le totalitarisme, « l'homme perd la foi qu'il a en lui-même comme partenaire de ses pensées et cette élémentaire confiance dans le monde, nécessaire à toute expérience. ». La puissance, au contraire, suppose une pluralité d’individus aimantés par une confiance réciproque. « La puissance est toujours une puissance possible, et non une entité inchangeable, mesurable et sûre, comme l’énergie ou la force. Tandis que la force est la qualité naturelle de l’homme isolé, la puissance jaillit parmi les hommes lorsqu’ils agissent ensemble et retombe dès qu’ils se dispersent ».

C’est la force de la Résistance. « Ils partiront dans l’ivresse » est le titre du livre de souvenir de Lucie Aubrac. Il y a de la joie dans le courage et dans la générosité. Ajoutons, pour faire bonne mesure, que c’est sans doute la force du capitalisme. Bergson l’avait noté : « le commerçant qui développe ses affaires, le chef d’usine qui voit prospérer son industrie, est-il joyeux en raison de l’argent qu’il gagne et de la notoriété qu’il acquiert ? Richesse et considération entrent évidemment pour beaucoup dans les satisfactions qu’il ressent, mais elles lui apportent des plaisirs plutôt que de la joie, et ce qu’il goûte de joie vraie est le sentiment d’avoir monté une entreprise qui marche, d’avoir amené quelque chose à la vie. ».

***

La leçon de Descartes, selon Bergson, est d’apprendre « à penser en homme d’action et à agir en homme de pensée ». Le pouvoir de la pensée est donc limité, s'il ne s’enracine dans l'action. Il porte pourtant en lui d'authentiques sources de joie.

Troisième partie : les propres ressources de la « vie de l’esprit ».

1. « Le regard d’en haut » et les vertus de l’intelligence.

A la fin des Problèmes de philosophie, dans un chapitre sur la Valeur de la philosophie que tout lycéen ou amateur de philosophie devrait connaître, Russell traite des ses effets sur celui qui la pratique. Il est intrinsèque et triplement libérateur. Valeur cartésienne du « doute méthodique », qui suspend les croyances habituelles, valeur platonicienne du détour spéculatif qui libère de la « prison » de l’homme pratique, valeur spinoziste de l’élargissement de l'horizon à partir du Non-Moi pour y intégrer le Moi. « L'homme n'est pas un empire dans un empire ».

« L’esprit qui contemple l’infinité de l’univers participe, note Russell, de son infinité ». Et cela lui procure de la joie. « Ce qui est incompréhensible dit Einstein, c’est que le monde soit compréhensible ». Russell a souvent décrit la joie profonde, « plus forte qu’un premier amour », que lui ont procuré les mathématiques. « Le véritable esprit de joie, l’exaltation, le sentiment d’être plus qu’humain, qui est la pierre de touche de la plus haute excellence se trouve dans les mathématiques aussi sûrement qu’en poésie. Ce qu’il y a de meilleur en mathématique mérite non seulement d’être appris comme un devoir mais d’être assimilé comme une partie de la pensée quotidienne et d’être rappelé sans cesse à l’esprit en guise d’encouragement toujours renouvelé. ». Elles ne sont pas seules à procurer cette joie, un grand amour, la beauté, une belle action, juste et généreuse le peuvent aussi.

La joie dit Spinoza « est le passage de l’homme d’une puissance d’agir moindre à une puissance d’agir plus grande ». Il y a de la pensée dans la joie et une relation intime entre elle et l'esprit. C’est sur ce point que nous voulons achever ce bref parcours.

2. La supériorité de la joie sur le plaisir et sur le bonheur.

Bonheur, plaisir et joie, ce n’est pas la même chose. Le bonheur vise une complétude qui serait la rencontre harmonieuse de l’homme et du monde, ce pourquoi il a pu être dit « un idéal de l’imagination ». Le plaisir, même intense et foudroyant « résulte, comme l’a vu Freud, d’une satisfaction plutôt soudaine des besoins ayant atteint une haute tension. Il n’est possible de par sa nature que sous forme de phénomène épisodique ». Il a toujours quelque chose de troublant, d’où ses rapports fréquents avec l’interdit ; il a aussi toujours quelque chose de mécanique et de trompeur. C’est pourquoi Bergson le qualifie « d’artifice imaginé par la nature pour obtenir de l’être vivant la conservation de la vie ».

La joie, elle, est toujours dynamique et active. Elle est l’expression d’une énergie interne dont nous nous sentons la cause. Elle est un passage et un mouvement. Elle est expression et assomption du désir, elle est source de plaisir et sentiment d’une force qui sait pouvoir transcender les épreuves. « La joie intérieure n’est pas plus que la passion un fait psychologique qui occuperait d’abord un coin de l’âme et gagnerait peu à peu de la place. A son plus bas degré, elle ressemble assez à une orientation de nos états de conscience vers l’avenir. Puis, comme si cette attraction diminuait leur pesanteur, nos idées et nos sensations se succèdent avec plus de rapidité ; nos mouvements ne coûtent plus le même effort. Enfin, dans la joie extrême, nos perceptions et nos souvenirs acquièrent une indéfinissable qualité, comparable à une chaleur ou à une lumière, et si nouvelle qu’à certains moments, en faisant retour sur nous-mêmes, nous éprouvons comme un étonnement d’être ».

Bergson propose en matière d’exemples la mère qui regarde son enfant, le commerçant qui développe ses affaires, l’artiste qui a réalisé sa pensée, le savant qui effectue une découverte. S’y retrouvent à chaque fois, d’une part, une naissance après une longue maturation, et de l’autre, une interversion entre l’effet et la cause. Car comme dans la création, il y a plus dans l’acte que dans ce qui l’a rendu possible. « Partout où il y a joie, il y a création : plus riche est la création, plus profonde est la joie ». Mais elle n’existerait pas sans un combat avec la matière. « Par la résistance qu’elle nous oppose et par la docilité où nous pouvons l’amener, la matière est à la fois l’obstacle, l’instrument et le stimulant ; elle éprouve notre force, en garde l’empreinte et en appelle l’intensification. »

***

Il n’y a pas de joie sans objet qui aimante le désir et pas de joie sans épreuve dépassée. Bergson croit voir en l’homme le surgissement possible, grâce à la culture, « d’habitudes motrices » et d’une « intensification de la personnalité ». Ce serait une joie que ce petit exercice rédigé puisse y contribuer chez son lecteur. Y parvenir serait sa vraie récompense. Ce serait une occasion de joie.

Bibliographie conseillée :

Références philosophiques :

- Aristote : Amitié et plaisir « Ethique à Nicomaque », IX, 4, Plaisir et acte, « Ethique à Nicomaque », X, 4, Vie contemplative et joie philosophique, « Ethique à Nicomaque », X, 7 et 8. Politique et bien vivre en commun, « Politique », I, 1.

- H Bergson, « La conscience et la vie » : fin « destination de la vie » et « création et joie », publié dans « L’Energie spirituelle ».

« Les deux sources de la morale et de la religion » : chapitre 1 « émotion et création ».

- Epicure, « Lettre à Ménécée ».

- Hadot, « Qu’est-ce que la philosophie antique ? », chap. IX, « Les exercices spirituels ».

- H. Jonas, « Pour une éthique du futur ».

- Montaigne « De l’amitié », « Essais », I, 28, « De l’expérience », « Essais », III, 13, commentaire dans M. Conche, « Montaigne et la philosophie », chap. 5, « plaisir et communication ».

- Nietzsche, « Ainsi parlait Zarathoustra », « Le second chant de la danse », troisième partie, Fin.

- Pascal, « Mémorial », commentaire dans H. Gouhier (« Blaise Pascal, Commentaires » chap. 1).

Cl Rosset, « La force majeure ».

- B. Russell « Valeur de la philosophie » chap. des « Problèmes de la philosophie », « L’étude des mathématiques » dans « Mystique et logique ».

- Spinoza, Ethique, III, Définition des sentiments, 1, 2 et 3, commentaire dans G. Deleuze « Spinoza, « Philosophie pratique », chap . 4 voir « Affection », « Bon », « Puissance ».

- Cl Rosset, « La force majeure ».

Références historiques : joie et politique.

- A. Malraux, « L’espoir » et « Sierra de Terruel ».

- M. Ozouf, « La fête révolutionnaire, 1789, 1799 ».

Invité(s) :
Franck Lelièvre, professeur de philosophie au Lycée Charles de Gaulle à Caen et Président/Co-fondateur d'une Société Normande de Philosophie
Christophe Salaün, professeur de philosophie.

Sujet : Peut-on penser la mort ? Source : http://www.franceculture.com/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-bac-philo-2eme-semaine-55-peut-on-penser-la-mort-20

Plan détaillé :

I LA MORT EST UN QUADRUPLE SCANDALE POUR LA PENSEE : Elle est l’impensable

1. Scandale logique : on n’en fait pas l’expérience : Epicure

2. Scandale moral : la souffrance du deuil est incommunicable : Augustin

3. Scandale épistémologique : « la science n’a rien à nous dire » : Husserl

4. Scandale métaphysique : l’on ne peut rien dire de ce qui n’est pas : Parménide

Transition :Réfutation des quatre premiers arguments. De la pensée scandalisée à la pensée déterminée.

II LA MORT EST DÉTERMINABLE UNIVERSELLEMENT EN SON CONCEPT :

Elle est un objet spéculatif

  1. 1. La séparation : physique, morale, psycho-physique, métaphysique

  2. 2. La fin : absence et achèvement

  3. 3. L’imminence pure : l’horizon qui délimite toute expérience

  4. Synthèse

Transition :La détermination conceptuelle oblige à une méditation. La pensée doit changer de registre pour pouvoir élucider l’énigme. Penser la mort, c’est l’accepter et ne pas s’en excepter.

III LA MORT EST IMPENSÉ QU’IL NOUS FAUT SANS CESSE MÉDITER C’EST-A-DIRE INTÉRIORISER :

Il faut consentir à la mort pour bien vivre

  1. 1. La mort est une énigme : distinction entre « énigme », « question » et « problème »

  2. 2. Recueillir et intérioriser l’énigme : l’expérience de la foi et de la prière

  3. 3. Contempler et magnifier l’énigme : l’expérience d’art

  4. 4. Aimer l’énigme : parvenir à croire en ce que l’on sait : faire sienne sa mort

Conclusion : l’objectivation et l’universalisation de l’expérience nous conduisent naturellement à une méditation par où la pensée se découvre comme puissance d’accueil et de recueil de l’expérience. La mort est énigme et non pas problème pour la pensée : elle donne infiniment à penser et donc paradoxalement à vivre.

Bibliographie conseillée :

- Platon, Phédon, 64 a., trad Robin, Paris, la Pléiade, 1950, tome 1, p. 774

- Epicure, Lettre à Ménécée, in Lettres, maximes, sentences, trad. J. F Balaudé. Paris, Le livre de poche, 1994. § 124 et 125, page 192

- Saint Augustin, Les Confessions, livre 4, 4, 9, trad. Labriolle, Paris, les belles lettres, 1925, tome 1, p. 72

- Voltaire, Dictionnaire philosophique, tome 4

- Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques, L’isolement, la Pléiade, 1963, page 3

- Heidegger, Etre et Temps, § 48 et § 50 et 51

- Jankélévitch : La mort, Paris, Champs Flammarion, 1977, p. 6

- Jean-Claude Ameisen, sur l’apoptose : La sculpture du vivant, Paris, Seuil, 1999, p. 40

Invité(s) :
Martine de Gaudemard, professeur des Universités à Paris Oust-Nanterre
Pierre Dulau, agrégé et docteur en philosophie.

Bon courage à toutes et à tous!

A. Cuvelier, pour l'équipe Sces Po, St Rémi, Roubaix

lundi 6 juin 2011

Le retour de l'entraînement à la Philo sur France Culture


Chers élèves,
Les échéances cruciales du Bac arrivent à grands pas!
Et pour vous, Ô joie, c'est la suite des semaines consacrées au épreuves de Philosophie sur France Culture: http://www.franceculture.com/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-bac-philo-2eme-semaine-15-peut-on-distinguer-les-re
Avec pour thème d'étude ce matin: "Peut-on distinguer les rêves de la réalité ?"
Comme d'habitude, nous vous conseillons de podcaster ou écouter et réécouter l'émission à l'adresse ci-dessus!
Pour vous mettre en appétit, voici le plan de la dissertation proposé par les invités de Raphaël Enthoven:

Plan détaillé :
I. Une opposition claire et distincte : une différence de nature entre les rêves et la réalité
A- Une distinction admise par tous : l’évidence communément partagée
B- Les critères théoriques de la distinction
C- Les critères pratiques de la distinction : l’expérience et l’action

II. A la recherche d’une distinction claire et assurée : le monde n’est-il pas qu’un « mauvais film » (G. Deleuze) ?
A- D’un point de vue théorique : les caractères communs
B- Des expériences communes : des sensations (plaisirs, douleurs), des sentiments, des émotions. Cf. Descartes, Méditations, I.
-] On ne peut prouver l’existence d’une réalité extérieure. Et si tout n’était qu’un rêve ? Puis-je prouver l’existence d’un monde extérieur et objectif ?

III. De la distinction à la complémentarité : la recherche d’une unité légitime
A- L’hypothèse de la distinction : un choix pragmatique et éthique.
B- La réalité admet différentes dimensions, dont celle des rêves. Quelles sont les relations étroites des rêves avec les autres dimensions du réel ? Rêves et réalité sont comme les deux faces d’une même pièce de monnaie.
C- Les rêves sont aussi des désirs et des idéaux que nous souhaitons réaliser. Mais quels rêves ont le droit de passer dans le réel ? Quels rêves faut-il exclure ?
D- Le réel, compris comme l’altérité, dépasse nos rêves à la fois dans sa richesse, sa complexité et son imprévisibilité.

Bibliographie conseillée :
- Tchouang Tseu, Le rêve du papillon, Albin Michel, Spiritualités vivantes Poche, Paris, 2008.

- R. Descartes, Méditations Métaphysiques, I et II.

- B. Russell, Problèmes de philosophie, Bibliothèque philosophique Payot, 1989, chap. I à III.

- Gilles Deleuze, Cinéma 2. L’image-temps, Minuit, 1985, pp. 221-223.

- Martin Luther King, Je fais un rêve, Bayard Centurion, 2008.

- Cinéma : Matrix, 1999; La Science des rêves, 2005. Inception, 2010.
Invité(s) :Olivier Mannoni, traducteur, journaliste et biographe français; Guillaume Durand, pofesseur de philosophie, Directeur de collection aux Editions Cécile Defaut., Chercheur associé au CAPHI et Président de Philosophia.

Bref, vous l'avez compris, c'est un bon entraînement, n'est-ce pas?
Bon courage.
A. Cuvelier, pour l'équipe Sces Po ST Rémi, Roubaix
PS: Merci le service public!
PPS: Ce soir, vous êtes autorisés à regarder la TV?! En effet, France 5 propose une série sympathique de documentaire, "Graffiti 80". Cette série permet de se mettre un peu dans l'esprit des années 1980 à travers des images d'archives, musique, clips vidéo, etc. de l'époque. Cela a l'air quelque peu léger, mais en définitive, c'est un bon moyen de réviser les années 1980, années de "tonton" Mitterand, etc. A vous de voir: http://www.france5.fr/programmes/articles/actu-societe/296-graffiti-80.php
J'attire votre attention sur le fait que les journalistes intervenants sont majoritairement de "droite", franchement libéraux, et il est assez savoureux de lire leurs analyses "entre les lignes". Cela en fait un bon exercice d'entraînement à l'esprit critique, non?!
Ci-dessous les thèmes des 4 épisodes de la série:
  • Le Premier Salon du changement (1981-1983).
  • Coulez le "Rainbow Warrior" (1984-1985).
  • Touche pas à mon poste (1986-1987).
  • A l'Est, du nouveau (1988-1989).