vendredi 11 juin 2010

Cours N°1 de M.Triquet sur les médias

Média, politique et opinion publique

I) Les média, créateur d’un faux espace public de débat
Selon Dominique Wolton (directeur de recherche au CNRS), il y aurait une association « naturelle » entre démocratie de masse et télévision. Celle-ci constituerait « l’outil le plus démocratique des sociétés ». En fait elle est créateur d’un espace public de débat, maintenant un lien social car « tout le monde la regarde et tout le monde en parle ».
Doc.1 : L’influence de la télévision


Q6 : La télévision impose une « culture populaire » qui n’émane plus des classes sociales elles-mêmes. Elle nivelle les sous-cultures au profit d’une « culture de masse » peu différenciée.
Q7 : La vision du monde qui en résulte, le modèle uniforme présenté à l’ensemble de la société réduit le conflit de classe. La télévision présente des individus plutôt que des groupes sociaux. Chacun cherche à progresser dans les valeurs de la culture dominante, au lieu d’alimenter la lutte des classes d’un conflit sur les valeurs.
Doc.2 : Une construction médiatique du politique

Q8 : Toute information suppose une sélection dans le foisonnement du réel, or un tel choix n’est jamais neutre. C’est ce que l’on appelle la fonction d’agenda. Si les média ne dictent pas ce qu’il faut penser, ils déterminent ce à quoi il faut penser.
Q9 : La télévision privilégie les informations spectaculaires, dont l’image se comprend immédiatement, au détriment des analyses plus complexes ou des changements à plus long terme. Le débat politique s’organise alors en fonction de ces «événements» télévisuels (émeutes, « voile islamique », faits divers) plutôt qu’autour de problèmes moins spectaculaires (chômage, discriminations…).

* Synthèse :
A l’inverse de Dominique Wolton, de nombreux politologues considèrent que la télévision (média de masse) contribue à l’opacification de la réalité sociale sous l’effet d’une présentation à plat et non hiérarchisée des faits lors des journaux (fonction d’agenda). Si les média ne dictent pas ce qu’il faut penser, ils déterminent ce à quoi il faut penser. Les élites politiques ont perçu cette réalité, c’est pourquoi les hommes politiques se laissent dicter les sujets de leur intervention. En fait, les élites politiques sont aujourd’hui sous influence des média. Elles ne jouent plus aujourd’hui, leur rôle de déchiffrement de la complexité sociale. Elles se plient volontiers aux caractéristiques des média de masse. Par exemple les hommes politiques cèdent de plus en plus à la tentation de la personnification (accent mis sur la personnalité de l’individu et non sur le programme qu’il défend), phénomène jusqu’alors plus largement présent aux Etats-Unis.
En fait, avec cet outil, les hommes politiques ont tendances à privilégier de plus en plus une logique de « communication » (simplification du discours, effet d’annonce, petites phrases) par rapport à une logique d’action. Selon Jean-Marie Cotteret, dans « Gouverner c’est paraître », « parler pour ne rien dire est devenu un art oratoire ». Le pouvoir appartient désormais « au plus apparent » en politique et non à celui qui agit dans et pour la longue durée.
Les hommes politiques utilisent désormais les techniques de marketing pour construire leur discours et leur programme. Ceci implique une logique de segmentation de la société (le public est ciblé = stratégie de l’électeur médian) allant à l’encontre du principe même de l’action politique visant l’unité.
En conclusion, la fonction du politique est largement bouleversée par cet avènement de la société spectacle dans les média. Une stratégie de communication apparaît plutôt que la formulation d’un projet politique global, pensé sur le long terme.


Bibliographie :
- Charon J-M : « Les média en France », 2003, éd. La découverte, coll. Repères
- Rieffel R. : « Que sont les média ? Pratiques, identités, influences », 2005, éd Gallimard, coll. Folio
- Bourdieu P. : « L’opinion publique n’existe pas », in Questions de sociologie, éd. de minuit
- Champagne P. : « Faire l’opinion », 1990, éd. de minuit