mardi 26 avril 2011

Définition de la frontière et « Ouvrir ou contrôler les frontières » de Wihtol de Wenden






Définition de la frontière et « Ouvrir ou contrôler les frontières » de Wihtol de Wenden

Chers élèves,
Pour parfaire la qualité de votre approche du thème du concours commun, les « Frontières », n'oubliez pas qu'outre éviter l'écueil de trop de lectures (?) qui se traduit par un manque dangereux d'entraînementS écritS(!), il faut poser des bases solides dans votre travail, comme une définition précise et rigoureuse de thème en question, ici la frontière. Ainsi, des outils s'avèrent particulièrement nécessaires à cet exercice, tels les dictionnaires spécialisés, comme le Dictionnaire de géographie, de Pascal Baud, Serge Bourgeat & Catherine Bras, paru chez l'éditeur Hatier en 2003.
Nous vous proposons ici un résumé plus ou moins succinct de l'article « Frontière » du dictionnaire en question (pp. 148 à 157 pour la présente édition).
A. Cuvelier, pour l'équipe Sces Po


Frontière:
Introduction:
« La frontière est une limite séparant deux zones, deux États, c'est-à-dire une ligne de séparation très nette et souvent matérialisée dans l'espace (dans ce cas par des postes frontières, voire des barbelés entre les États). La frontière représente une rupture souvent franche entre deux modes d'organisation de l'espace, entre des réseaux de communication, entre des sociétés souvent différentes et parfois antagonistes.

I) Les différents types de frontières et leurs fondements

A) Frontières internationales et frontières intérieures
Une frontière est avant tout une limite entre deux États, qu'elle soit maritime (limite des 200 milles nautiques), ou terrestre (CF= postes frontières, douanes...). Son tracé peut être reconnu par la communauté internationale ou résulter d'un état de fait territorial (Ex.: les territoires occupés en Israël). Plus complexe, le tracé de la frontière n'est reconnu que par une partie de la communauté internationale (Ex.: Oder-Neisse). Ces différents type de frontières conditionnent les relations entre pays limitrophes.
Mais le terme de frontière peut aussi s'étendre à des divisions intra-étatiques, à des découpages administratifs, comme entre les États des États-Unis. Un découpage administratif n'est une frontière que s'il y a une rupture entre deux espaces. Une frontière intérieure peut aussi créer une ségrégation (du latin segregare, mettre à part) ethnique, sociale ou économique.

B) Différents types de frontières internationales
Concept politique par excellence, la frontière est également une césure économique, culturelle et linguistique. D'un point de vue politique, le concept de frontière est inséparable de celui d'État. Tout gouvernement applique une politique plus ou moins stricte de contrôle de ses frontières.
Mais la frontière constitue également une frontière économique, ex.: entre pays développé et pays en voie de développement.
Séparant des communautés nationales, la frontière est souvent une frontière linguistique, culturelle, voire religieuse. Notons toutefois que pour ces critères, la frontière ne représente plus une ligne administrative, mais un espace frontalier parfois très étendu, qui peut même être l'espace d'un véritable syncrétisme.

C) La genèse des frontières internationales
Trois types de frontières se distinguent en fonction de leur formation:
a) La frontière historique, façonnée par un ou plusieurs conflits, reste prédominante en Europe. Elles ont un tracé très souvent sinueux, et ont été reconnues pour beaucoup d'entre elles lors de grandes conférences dirigées par le camp vainqueur comme en 1815, 1918 et 1945.
b) Les frontières issues du partage colonial. Elles ont un tracé rectiligne, ignorant les frontières linguistiques, culturelles et religieuses préexistantes. Elles ont rarement été modifiées après la décolonisation.
c) Les frontières des pays neufs ont également un tracé rectiligne mais correspondant le plus souvent à une réalité différente, celui des fronts pionniers. Ex.: un partie des frontières nord-américaine.
En outre, il faut y ajouter la catégorie des frontières naturelles: la frontière naturelle serait une limite bien nette du relief – montagne, fleuve ou côte -, qui délimiterait « naturellement » le territoire d'une communauté nationale. Néanmoins, d'un État à l'autre, le choix de la frontière naturelle n'est pas le même, on y retrouve donc le choix du politique.

II) L'occupation de l'espace frontalier
L'occupation de l'espace frontalier peut prendre des formes diverses en fonction des intérêts politiques ou économiques des pays concernés.

A) Des espaces souvent marginaux
Souvent, la zone frontalière est un espace à l'écart du développement du pays, une marge ou un confins (zone située à l'extrême limite du territoire et considérée comme « loin de tout »). Ex.: rares sont les capitales situées à proximité des frontières.

B) Le cas des frontières reconnues
Dans le cas d'une frontière reconnue par la communauté internationale, la frontière est soit ouverte, soit fermée, engendrant ainsi des modes d'occupation de l'espace très différents.
Pour la frontière fermée, celle-ci est occupée par les postes de contrôle, constituant pour les nationaux un véritable no man's land (Ex.: la frontière coréenne entre Nord et Sud).
Pour la frontière ouverte, les migrations journalières de populations frontalières sont fréquentes, créant des flux économiques nombreux et obligeant les gouvernements respectifs à prendre des mesures de coordination, ne serait-ce que dans le domaine des transports (Ex.: La frontière franco-suisse), voire de réalisations communes: Ex.: Tunnel sous la Manche, régions transfrontalières Sar-Lor-Lux.
Reste une exception: la constitution de camps de réfugiés, vastes regroupements de personnes fuyant les persécutions. Ils contribuent à modifier sensiblement les caractères de la zone d'accueil, économiquement, socialement, mais aussi parfois politiquement, pouvant être de puissants facteurs de déséquilibres de ces régions, comme les camps palestiniens en 1967 au Sud-Liban, par ex.

C) Les frontières contestées et les fronts pionniers
Le peuplement des marges frontalières est souvent inséparable de l'idée de nationalisme et ses moyens sont souvent la colonisation agricole ou militaire. Certains gouvernements des PED préfèrent remplacer le terme de colonisation par celui de transmigration (Ex.: en Indonésie).
Enfin, l'ouverture d'un front pionnier peut déboucher sur un processus de territorialisation (appropriation d'un espace par un groupe d'homme qui en fait son territoire). Ex.: frontière entre Paraguay et Brésil.

III) Les frontières évoluent
La mobilité des frontières modifie l'occupation de l'espace.

A) Frontières qui s'ouvrent, frontières qui se ferment
Une frontière considérée comme fermée peut, à la faveur d'un bouleversement politique, s'ouvrir plus ou moins brutalement (Ex.: la disparition du rideau de fer). Les modifications qui en résultent sont souvent importantes. Ce peut être un mouvement immédiat de populations fuyant un pays. Dans ce cas, la zone frontalière peut voir son économie se modifier, généralement dans le sens d'une amélioration.
Mais une frontière peut aussi se fermer, le plus souvent en cas de guerre. Les activités transfrontalières cessent alors, engendrant de lourdes conséquences, notamment économiques.

B) Frontières qui naissent, frontières qui disparaissent
Phénomène lié à l'émergence d'un nationalisme, des frontières peuvent naître après un conflit, dans le cadre d'une grande conférence ou, plus rarement, dans la paix (Ex.: séparation en 1993 de la Tchécoslovaquie).
Une guerre civile peu également aboutir à la naissance d'une d'une frontière, alors placée sous haute surveillance (Ex. actuel: le cas du Soudan à partir de 2011). Enfin, de grandes conférences remodèlent les frontières, notamment à l'issue de conflits (Ex.: le démantèlement de l'Autriche-Hongrie en 1918). Mais les conférences internationales peuvent aussi donner naissance à des frontières immédiatement contestées – c'est le cas du partage de la Palestine en 1947 – et donc à des espaces frontaliers fermés, ou sous très forte occupation militaire.
Un mouvement inverse voit la disparition de certaines frontières soit par la fusion de deux États après une guerre (Ex.: Vietnam ou Yémen), ou par une simple atténuation du fait frontalier dans le cadre de grandes organisations régionales comme l'UE, l'ALENA. Les limites entre pays existent toujours mais, comme dans le cas de l'UE, elles ne sont plus des frontières économiques et peuvent permettre l'apparition de grands projets frontaliers. Les régions concernées cessent d'être des marges pour devenir de nouveaux centres (Ex: la région lilloise au coeur d'un espace économique en voie d'unification, allant d'Amsterdam à Londres et Paris).




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Article de Catherine Wihtol de Wenden, « Ouvrir ou contrôler les frontières », in Alternatives internationales, L'état de la mondialisation, H-S n°8, décembre 2010.
Catherine Wihtol de Wenden est spécialiste des migrations, chercheuse au CERI.
(A noter que certains extraits sont retranscrits intégralement, afin de fournir des exemples à reprendre pour le concours, vous les repérerez en caractères gras)

Prise de notes de l'article en question:
Depuis les années 2000, la politique d'immigration européenne hésite entre:
- d'un côté le dogme de l' « immigration zéro » (donc de contrôle des frontières) dans le prolongement des accords de Schengen (1985) (1) qui abolissent les frontières intérieures entre pays signataires mais les renforcent à l'extérieur, des accords de Dublin (1990) (2) qui durcissent la législation sur le droit d'asile, ou encore par les sommets européens de Séville (2002) (3), de Thessalonique (2003) (4) ou La Haye (2004) (5), marqués par une approche sécuritaire et répressive (CF= Frontex (6)). A l'échelle nationale, la France en est une bonne illustration au regard des 6 textes de lois votés depuis 2002 entre renforcement du contrôle des frontières, expulsion des migrants et extension des durées de rétention (CF= loi Besson (7)). Quitte à réduire l'accès au droit d'asile (Ex.: l'évacuation musclée des Afghans à Sangatte en 2009).
- d'un autre côté, enrayer le vieillissement de la population de l'UE, donc le besoin de main d'œuvre, comme l'illustre les accords de Tampere (1999) (8). Ex.: Mise en place d'un livret vert européen, début 2005, pour une politique d'immigration choisie, avec un « équivalent » à la « carte verte » américaine, la « carte bleue ».
Mais cela pose de nombreux problèmes:
- L'approche sécuritaire nuit au brain drain face aux États-Unis, notamment.
- La multiplication des contrôles et les expulsions ont un coût. Ex.: en France, selon la Cour des comptes, les 30000 renvois à la frontière environ de 2008 ont coûté 530ms d'€. Sans parler des atteintes aux droits de l'homme et du retour des expulsés.
L'alternative serait l'ouverture des frontières, utopie pour certains, mais pourtant seul objectif à la fois réaliste et éthique. Un monde sans frontières ne pourrait toutefois fonctionner qu'à la condition que les écarts de développement se réduisent, que les migrants aient confiance dans le fait qu'ils pourront effectivement circuler librement, comme on l'a vu en Europe de l'Est depuis la chute du mur de Berlin, qu'un dialogue franc s'établisse entre pays de départ et d'accueil, en particulier sur le partage des ressources de la planète: énergie, eau, terres...
Comment?
Ex.: Par une ouverture graduelle, avec la création de visas à entrée multiples pour les étudiants, chercheurs, les travailleurs temporaires, etc. Par un renforcement de la coopération économique entre l'UE et ses voisins, afin de faciliter les allers-retours des travailleurs migrants, qui pour partie se fxent à l'étranger par peur de ne pouvoir revenir s'ils repartent dans le pays natal.
En ayant, enfin, une autre vision des flux migratoires: sur la durée, ces flux s'amenuisent quand les pays d'origine se développent. De plus, il est difficile de prévoir certaines mutations. Par ex., si d'un côté, il est possible de craindre un accroissement de la migration de la pauvreté, [d'un autre côté] la baisse de l'immigration en Europe en 2008-2009 ne traduit pas l'efficacité du contrôle de ses frontières mais le rétrécissement de son marché du travail dû à la crise.
La stabilisation de la population mondiale vers 2050 ne manquera pas d'affecter la tendance à l'émigration dans bien des pays du Sud désormais vieillissants
. De plus, les pays émergents attirent eux-aussi les migrants (Brésil, Chine...), on peut donc s'attendre à une migration plus multipolaire qu'aujourd'hui. Et plus mobile: la circulation, au lieu de l'établissement définitif, est une tendance de fond des migrations internationales. Plus les frontières sont ouvertes, plus les migrants circulent, et plus elles sont fermées, plus ils s'installent durablement là où ils n'avaient pas forcément le désir de rester.


3) http://ec.europa.eu/public_opinion/notes/seville_fr.pdf ou http://www.rfi.fr/actufr/articles/030/article_15343.asp
4) http://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_europ%C3%A9en_de_Thessalonique ou http://www.vie-publique.fr/documents-vp/avis_cncdh012004.pdf
5) http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/04/855&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=en ou http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/europe-russie/quatre-espaces-communs.shtml
6) http://europa.eu/agencies/community_agencies/frontex/index_fr.htm, http://www.frontex.europa.eu/, dans l'actu: http://www.france24.com/fr/20110214-frontex-italie-immigration-clandestine-mediterrannee-union-europeenne,
7) http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl2400.asp, dans l'actu: http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/politique/20100927.OBS0429/les-principales-mesures-de-la-loi-besson-sur-l-immigration.html
8) http://cnfra.ref-union.org/textes_officiels/textes%20uit/doc/UIT%203-0%20(06-10).doc

Conseil de lecture:
Catherine Wihtol de Wenden, La Globalisation humaine, Paris, PUF, 2009.
Antoine Picoud, Paul de Guchteneire (dir.), Migrations sans frontières. Essais sur la libre circulation des personnes, Unesco, 2009.







samedi 23 avril 2011

Migrations et frontières/ "Continuer l'Histoire"



Chers élèves,
En ces temps de vacances où vous bossez comme des brutes, et vous n'en avez pas le choix, nous espérons que vous écoutez, quasi H24, France Culture, entre deux révisions, justement!
Or, cette semaine, l'entretien hebdomadaire d'Hubert Védrine par Jean-Marc Four (http://www.franceculture.com/emission-le-monde-selon-hubert-vedrine.html) proposait un thème particulièrement lié à l'actualité à notre chère question sur les "Frontières":
"La diplomatie est-elle paralysée par l'obsession de l'immigration ?"
En voici un aperçu:

"L'Italie et les pays méditerranéens ne peuvent faire face tout seul à l'afflux d'immigrés tunisiens".
La phrase est signée du ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini. Les relations entre Paris et Rome, sur le sujet, sont très tendues, après l'affaire des trains arrêtés à Vintimille par la France.
La question sera au coeur d'une rencontre Berlusconi-Sarkozy mardi prochain.
La planète compte aujourd'hui 200 millions de migrants. C'est donc en effet un enjeu majeur.Mais les postures et les gesticulations politiciennes nationales voire nationalistes ne sont-elle pas paradoxales, dérisoireset inefficaces face à un enjeu par nature international ?
Pourquoi n'y a-t-il aucun cadre européen voire international claire, régissant le droit des immigrés ?
Et cette obsession politique de l'immigration n'en est-elle pas venue jusqu'à empêcher les diplomaties de penser le monde et de voir les vrais enjeux, en l'occurrence la démocratisation du monde arabo-musulman ? (Source de ce texte ci-dessous)

Puis vous écoutez le reste, stylo et feuille sous la main: http://www.franceculture.com/emission-le-monde-selon-hubert-vedrine-la-diplomatie-est-elle-paralysee-par-l-obsession-de-l-immigra

A noter!!! De nombreux liens de qualités, notamment celui vers l'article de Catherine Withol de Wenden dans Alternatives Internationales, bientôt en notes dans notre modeste blog ici présent:
- Le vibrant appel sur l’immigration de l’ancien secrétaire général de l’Onu Kofi Annan devant le Parlement européen, janvier 2004: http://www.migreurop.org/article360.html
- « Ouvrir ou contrôler les frontières », par Catherine Wihtol de Wenden, dans Alternatives Internationales: http://www.alternatives-internationales.fr/ouvrir-ou-controler-les-frontieres-_fr_art_1067_52538.html
- « Les deux populismes français et italien » (en italien) par Bernardo Valli dans La Repubblica: http://www.repubblica.it/esteri/2011/04/18/news/i_due_populismi-15074346/index.html
- « Une politique de migration sélective ne résout pas grand-chose », interview de Jean-Pierre Garson de l’ OCDE, dans Le Monde du 20 avril 2011: http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/04/20/une-politique-de-migration-selective-ne-resout-pas-grand-chose_1510231_3234.html
- « La mauvaise querelle de l’immigration de travail », par Elise Vincent, dans Le Monde du 19 avril 2011: http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/04/19/la-mauvaise-querelle-de-l-immigration-de-travail_1509877_3232.htm
- Un texte de 1993 mais encore actuel sur le droit international et les migrations, par le professeur de droit Alain Prujiner, de l’Université Laval de Québec: http://www.erudit.org/revue/ei/1993/v24/n1/703128ar.pdf
- « Migrants caught in a middle of a drama », reportage (en anglais) de Steven Erlanger à Vintimille, dans International Herald Tribune du 20 avril 2011: http://www.lekiosque.fr/magazine-924400-International-Herald-Tribune.html

Précision pour les esprits chagrins: oui, nous savons qu'Hubert Védrine sait être agaçant, très très "Real politik", etc. Mais bon, il serait vain de votre part de ne pas l'écouter (en branchant votre traducteur interne: c'est quoi déjà l'"esprit critique"...???), car outre sa fonction d'ancien ministre des affaires étrangères, à une époque où la fonction ne faisait pas de la France la risée de la planète, Védrine a été professeur à ... Sces Po Paris, si vous voyez ce qu'on veut dire...?!!! On peut dire de lui qu'il est un penseur libéral pragmatique, comme l'illustre les très bons Atlas du monde global, avec Pascal Boniface(1). Donc, trouvez quelques secondes dans vos emplois du temps de ministre pour fouiller son site: http://www.hubertvedrine.net/ où se trouvent en consultation libre nombres d'articles de "Bébert"(pardon pour cette familiarité):

Ex:

Son très bon "Continuer l'Histoire", Paris, Fayard, 2007, dont voici un avant goût du fait de son édition japonaise(voir plus bas). Nous tenons à préciser que "Continuer l'Histoire" est un ouvrage important, quoiqu'on en pense, car il est une juste réponse à "La fin de l'Histoire" de Francis Fukuyama, essai de philosophie politique qui , s'inspirant des thèses d'Alexandre Kojève sur la « fin de l'histoire », affirme que la fin de la Guerre froide marque la victoire idéologique de la démocratie et du libéralisme (concept de démocratie libérale) sur les autres régimes politiques et non la victoire effective des démocraties. Fukuyama est par ailleurs conscient que la chute du mur, la dislocation de bloc de l'Est va entraîner d'importants troubles: la fin de l'histoire ne signifie pas selon lui l'absence de conflits, mais plutôt la suprématie absolue et définitive de l'idéal de la démocratie libérale, lequel ne constituerait pas seulement l'horizon indépassable de notre temps mais se réaliserait effectivement. ( A consulter l'article "en travaux" sur Wikipedia: http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Fin_de_l).

N'hésitez pas à vous frotter à la pensée marxiste avec cet article de la revue en ligne "Contrepoints": http://www.contrepoints.org/2011/03/19/16960-le-retour-de-la-fin-de-lhistoire-et-des-neoconservateurs-1. De plus, la vision de ce sujet par Philippe Moreau Defarges(2) est elle aussi très éclairante, titré "Le multilatéralisme et la Fin de l'Histoire": http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/0104-MOREAU_DEFARGES-FR2-2.pdf (en plus, c'est un "PDF" que vous pouvez gratuitement et légalement télécharger pour le lire et le travailler à tête reposée).
Or, "La Fin de l'Histoire" a considérablement inspiré la géopolitique des Etats-Unis dans l'immédiat après-guerre froide, comme l'illustre le concept de "Nouvel Ordre Mondial"(3) de Bush père! De fait, Védrine démontre dans "Continuer l'Histoire" la nécessité de sortir de ce schéma de pensée pour être plus en phase avec la complexité de l'actuel monde dissymétrique.

CONTINUER L’HISTOIRE
SOSHISHA éditeur

Je suis très heureux de l’occasion qui m’est fournie par la maison d’édition Shoshi Sha d’être traduit et publié en japonais et de pouvoir ainsi être lu par des japonais qui s’intéressent aux relations internationales qui se nouent dans le nouveau contexte du monde global en crise. Ce livre est d’abord le fruit de mon expérience : dix-neuf ans au cœur du pouvoir en France de 1981 à 2002, dont quatorze ans auprès du président Mitterrand et cinq ans à la tête de la diplomatie française sous la présidence de Jacques Chirac, dans le gouvernement Jospin. Depuis lors, comme consultant, analyste, enseignant ou président de l’Institut Mitterrand, j’ai gardé en permanence un contact étroit avec les responsables français et étrangers comme avec les think tanks. Cet ouvrage est aussi le résultat des réflexions que j’ai mené en parallèle au fil de ces années, à travers divers articles et livres. Celui-ci, Continuer l’histoire, est le plus récent. Il vient d’être, en 2008, traduit en américain sous le titre «History strikes back» et en espagnol. Le coeur de mon analyse est la suivante : les «occidentaux», c’est à dire les européens et les américains, se sont fait des illusions après l’effondrement de l’Union Soviétique et ils vont être obligés de devenir plus réalistes. Les américains ont cru être, plus encore qu’en 1945, les maîtres du «nouvel ordre international». Pour eux l’histoire était finie, faute de combattants. L’économie de marché dérégulée, la démocratie et les droits de l’homme allaient s’étendre au monde entier sous leur leadership bienveillant. Les européens, plus ingénus, ont même cru à l’avènement d’une idyllique «communauté internationale». C’était irréaliste, en tout cas prématuré. C’est ce que j’ai appelé «l’irrealpolitik». Les uns et les autres se sont trompés. Cette irrealpolitik, caricaturale avec G. Bush et D. Cheney, a montré ses limites et ses méfaits. Et la bonne volonté européenne, sa faible efficacité. En fait l’histoire n’était pas finie. Elle se poursuit et s’accélère même avec la crise, sur une planète où les différences de puissance, de richesses et de croyances, et donc les antagonismes, sont plus forts que jamais. Au lieu du monde unipolaire et homogène qui avait semblé surgir dans les années 90, à partir de l’effondrement de l’URSS, c’est un monde multipolaire instable et concurrentiel qui s’affirme par à-coups, événement après événement, crise économique inclue. On peut débattre de l’importance et du nombre de ces pôles. Mais le fait est là : les occidentaux n’ont plus le quasi monopole de la puissance qu’ils ont exercé depuis le 16ème siècle. Ils vont rester longtemps encore les plus riches et les plus puissants. Mais cette puissance n’est déjà plus absolue ; elle sera de plus en plus relative. C’est un changement extraordinaire. Qu’il s’agisse de «hard» power, de «soft» power et même, avec Obama, de «smart» power, les Etats-Unis devront compter avec les autres pôles de civilisation et de puissance, comme avec les nombreuses puissances émergentes ou réémergentes qui vont s’imposer dans le jeu. Il sera de plus en plus difficile aux occidentaux -même aux Etats-Unis- d’imposer quoique ce soit. Tout devra être négocié. Il est significatif que quand il s’agit de redonner des règles à une économie globale de marché qui était devenue purement financière, spéculative et irresponsable, c’est un G20 que l’on met sur pied. Pas trois dirigeants comme ceux qui avaient décidé du sort du monde après la première guerre mondiale. Ni deux puissances (Etats-Unis et Grande-Bretagne) comme à Bretton Woods. Ni même le G7/G8. Non : vingt puissances ou institutions, donc un G20. Comme le soulignent Brent Scowcroft et Zbigniew Brzezinski, respectivement ancien conseiller pour la sécurité nationale de G. Bush senior et de J. Carter, dans leur passionnant débat arbitré par David Ignatius, «America and the world», c’est la première fois dans l’histoire du monde que tous les peuples sont politiquement actifs, ce qui ne va pas rester sans effet. Le monde multipolaire, c’est la vraie fin de l’après-guerre. Les relations entre les différents pôles ne seront plus structurées uniquement par les décisions de 1945 et d’après. Les continents vont bouger, d’où l’intérêt pour les européens, comme me semble-t-il pour les Japonais, de réfléchir à ces mouvements. Les pôles principaux –Etats-Unis, Chine, Japon, Inde, Russie, Europe– vont-ils évoluer séparément ? L’alliance Etats-Unis – Europe va-t-elle se renforcer ou se distendre ? Le Japon pourra-t-il toujours compter sur l’alliance stratégique avec les Etats-Unis ? Mais ceux-ci ne vont-ils pas à un moment donné être obligés pour des raisons économiques de donner la priorité à leur relation avec la Chine ? Au point de constituer un nouveau système bipolaire ? (je n’y crois pas mais beaucoup se posent la question) Le Japon disposerait-il alors d’une politique de rechange ou en tout cas complémentaire ? La relation Chine-Japon peut-elle se muer un jour en une véritable entente stratégique ? A quelles conditions ? Finalement quelle nouvelle configuration de sécurité va prévaloir en Asie de l’Est et dans le Pacifique ? L’Inde serait en droit de se poser, à un moindre degré, de telles questions. Et bien sûr d’autres questions se posent concernant les orientations possibles de la Russie, les mutations du monde arabe, les perspectives pour l’Afrique, le positionnement de l’Amérique latine. La restauration du leadership américain par Barack Obama sera réelle mais relative. En Asie, même si tous les protagonistes trouvent un certain intérêt au maintien d’une présence américaine ou s’en accomodent pour le moment, les Etats-Unis devront plus tenir compte des nouveaux rapports de force régionaux et de la dynamique des relations et de la coopération des grands Etats asiatiques entre eux qu’au cours des soixante dernières années. Il me semble que le Japon – membre du G7, et donc du G20, candidat à un poste de membre permanent au conseil de sécurité, deuxième économie du monde, détenteur d’une des quatre grandes monnaies du monde - ne pourra pas faire l’impasse sur ces questions d’avenir. Comment se voit-il ? Comme le pivot asiatique de l’ensemble stratégique occidental ? Comme un pôle en soi, spécifique ? Comme un des éléments clefs d’un système nouveau Asie/Pacifique ? Que veut-il ? Il devra en tout cas s’interroger sur ses relations avec les Etats-Unis, -qui demeurent pour lui l’axe stratégique-, en fonction de l’évolution possible de la politique américaine envers Moscou, Beijing ou Delhi. Des hypothèses très différentes sont à prendre en considération, en intégrant toutes les données de la géopolitique comme les bons et les mauvais effets de la mondialisation. Des échanges entre l’Europe et le Japon sur ces questions et à propos de ces perspectives, pourraient être d’un grand intérêt mutuel. Les sujets ne manquent pas : les conséquences stratégiques des bouleversements en cours, les questions globales – pénuries énergétiques, menaces écologiques – qui ne peuvent être traitées efficacement que collectivement, l’aide au développement, les relations avec l’Amérique latine ou l’Afrique, la démographie, la sortie de la crise, les nouvelles règles de prudence et de bon sens à imposer aux acteurs économiques et financiers, les leçons à tirer de la crise japonaise des années 1992-2002, l’avenir de l’industrie dans les pays développés, la combinaison de certaines protections et du libre échange, la mutation écologique de l’économie, etc… Mais pour que ce dialogue soit fructueux, encore faut il que l’Europe et le Japon surmontent une certaine «inhibition stratégique» qui les fait hésiter à penser le monde comme des puissances globales. C’est pourtant ce qu’elles sont, de facto. Elles doivent l’admettre et l’assumer, sur tous les plans. La France qui se cherche dans la mondialisation et à laquelle je consacre un chapitre du livre, ne peut que trouver un intérêt particulier à un tel échange. Au moment où tous les pays du monde vivent la première grande crise mondiale de l’interdépendance globale qui remet brutalement en cause les certitudes et les dogmes les mieux établies des vingt dernières années, il y a certainement là matière à réflexion commune et à échanges entre la France – et les autres européens – et le Japon. J’espère que ce livre y contribuera. "
Hubert Védrine

ou encore:

Préface à l’ouvrage de Michel Nazet, La géopolitique pour tous
Ellipses éditeur
Source: http://www.hubertvedrine.net/index.php?id_article=482

"Pourquoi est-il utile de revenir à la géopolitique en dépassant les controverses que ce terme a naguère inspiré ? Parce que les croyances des européens, depuis l’après guerre, mais plus encore depuis la fin de l’URSS et l’entrée dans le monde «global» leur ont rendu ce monde inintelligible. Les européens d’aujourd’hui sont très informés, et même bombardés d’informations. Mais comme ils ont vraiment cru à la «communauté» internationale, au dépassement des nations, à l’effectivité du droit international, aux Nations «Unies» et encore et toujours, à une sorte de supériorité morale européenne intrinsèque ils sont déboussolés par l’état réel du monde et par la façon dont l’histoire se poursuit, avec le jeu des puissances à la fois eternel et nouveau, et la monté spectaculaire des émergents, ce dont le G20 est le symbole. Les occidentaux n’ont plus le monopole du pouvoir, sur tous les plans, ni les européens celui de la morale. Et c’est là où il est indispensable de revenir à la réalité internationale, et donc à la géopolitique et à l’étude des puissances, de leurs conceptions, de leur politique et de leur stratégie. Analyse que l’on avait cru dépassée et superflue après la fin de l’URSS, mais qui va se poursuivre, y compris au sein du G20. Impossible de comprendre les mécanismes mondiaux réels si l’on s’en tient aux mots-valises les plus communément employés («la communauté internationale», «l’Europe», «la méditerranée», «l’ONU»…), à des simples agrégats économiques, à des flux «transnationaux» et à la fiction d’un monde décidemment post national, homogénéisé par la révolution numérique. Impossible aussi si l’on ne dépasse pas résolument l’euro-centrisme où même l’occidentalo-centrisme. C’est pourquoi la très solide analyse de Michel Nazet est précieuse. Son livre qui est à la fois un manuel, et un essai, met en évidence de façon très claire le nouveau cadre politique et économique issu de la mondialisation et les vrais centres de décision. Même contestés les Etats sont toujours là : «l’Etat-nation reste au cœur du jeu international». Les autres acteurs, non étatiques, se sont développés et ont même proliféré, sans supplanter les premiers. Ils ont leur logique propre. Tout cela s’enchevêtre dans une compétition générale multipolaire, multilatérale, multiforme, aux acteurs et aux théâtres multiples. Elle pourra être canalisée dans des coopérations, mais aussi tourner à des confrontations, du fait des pénuries agraires, énergétiques, ou autres. L’approche de Michel Nazet, textes, titres, encadrés est très éclairante sur toutes ces questions. Son analyse des principales régions du monde, de l’Europe, mais aussi toutes les autres, est également très utile, et parfaitement à jour. En résumé le travail de Michel Nazet s’inscrit avec force dans la reconstruction en cours d’un nouveau réalisme européen, absolument nécessaire après une vingtaine d’années d’illusions chimériques. Sans cette lucidité informée et argumentée, les européens échoueront à faire de l’Europe un vrai pôle, à préserver leurs intérêts et leurs valeurs, et à influencer utilement l’évolution du reste du monde. C’est dire l’enjeu, et l’utilité de ce livre pour des étudiants, des enseignants, des chercheurs, pour les responsables politiques ou pour toute personne curieuse de l’état réel du monde et soucieuse de l’avenir de l’Europe."
Hubert Védrine

Bon courage.

A. Cuvelier, pour l'équipe Sces Po

1) Qui est Pascal Boniface? Pascal Boniface est Directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et enseignant à l'Institut d'Etudes européennes de l'Université de Paris 8. http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=boniface, ainsi que http://fr.wikipedia.org/wiki/Pascal_Boniface .

A noter: Pascal Boniface tient un blog sur le site de Rue 89: http://www.rue89.com/boniface

2) Qui est Philippe Moreau Défarges? C'est un grand politologue français, spécialiste reconnu et écouté des relations internationales: http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Moreau_Defarges

3) Le Nouvel Ordre Mondial est un chapitre incontournable de votre programme d'Histoire en Terminale! Donc, vous êtes IMPARDONNABLE si vous avez eu le moindre doute à son sujet! A voir: http://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvel_ordre_mondial

mercredi 13 avril 2011

La philo sur France Culture!

Chers élèves Avec le printemps, reviennent...meuh non, pas les hirondelles! Fukushima nous ouvre à une nouvelle ère... Bref, mauvais esprit à part, c'est le retour de la philo. sur France Culture. En effet, chaque année depuis deux-trois ans, Raphaël Enthoven invite des professeurs de Philosophie au micro de la radio afin d'y décortiquer un sujet de bac: http://www.franceculture.com/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance.html-0

Et là, vos yeux s'écarquillent de joie à l'idée de profiter de ce mode d'emploi tout fait, et vous avez bien raison! Car cela vous aidera, c'est sûr!, à améliorer votre travail en philo, mais aussi pour la question contemporaine du concours commun!!! Donc, écoutez et réécouter les émissions en question.

Démonstration:


1/5 : A quoi sert l'art ?



Bibliographie conseillée :

- Aristote, Ethique à Nicomaque, VI, 4, 1140a. Vrin, 1990, page 283.

- Bergson, Le rire, Chapitre III, Le comique de caractère. Henri Bergson, Œuvres, P.U.F 1959, pages 460 et 461.

- Char, Sous la verrière (En vue de Georges Braque). Pléiade, Œuvres complètes, 1983, page 674 à 676.

- Gadamer, Vérité et méthode, Première partie : Dégagement de la question de la vérité, l’expérience de l’art ; II L’ontologie de l’œuvre d’art et sa signification herméneutique, b) La transmutation en œuvre. Seuil, 1996, pages 132 et 133 pour les considérations relatives à l’ « imitation ».

- Heidegger, L’origine de l’œuvre d’art, in Chemins qui ne mènent nulle part. Tel Gallimard, 1962 (sur la distinction outil/œuvre, voir tout particulièrement la subdivision: La chose et l’œuvre).

- Kant, Critique de la faculté de juger, Analytique du Beau, §7 et §16. Vrin, 1993, pages 74 et 75 pour la référence au §7 ; pages 96 et 97 pour la référence au §16.

- Nietzsche, Le gai savoir, Livre II, §107. Bouquins, Œuvres, 1993, pages 119 et 120. et La naissance de la tragédie, §12. Folio Essais, 1977, page 80.

- Valéry, Introduction à la méthode chez Léonard de Vinci, Léonard et les philosophes (1929). Gallimard, 1957, page 108 à 110.


Plan détaillé :

Introduction

a) L’art, au sens de « création artistique »

b) La création artistique n’est pas sans finalité

c) Quelle est la singularité de l’art ? A quoi sert-il spécifiquement ?


I L’art sert la beauté

a) En son acception générale, l’art désigne l’ « action réglée »

b) De là la nécessité, d’après Kant, de nous distraire de nos inclinations naturelles comme de nos représentations habituelles pour apprécier une chose quant à sa beauté.

c) L’art est l’expression de la beauté.

d) Dire que l’art est recherche du beau n’est pas dire à quoi il sert en tant que recherche du beau. Pourquoi recherchons-nous la beauté par l’expression artistique ?


II L’art comme alternative à l’Intellect

a) Si nous recherchons la beauté par l’art, c’est que nous échouons à la rencontrer et l’apprécier par d’autres vecteurs.

b) Nietzsche voit dans l’art un antidote à l’intelligence rationnelle.

c) L’art sert à éprouver le réel autrement que par le prisme de l’intelligence rationnelle.

d) Si l’art est transfiguration et si, par ailleurs, tout est transfiguration, on ne peut dire que l’art serve ; car il n’y a pas de fin plus haute que lui, plus ultime (tout est art).


III L’art , expérience d’une déprise essentielle

a) L’art constitue une parenthèse dans l’ordinaire.

b) Au chapitre III de son œuvre Le rire, Bergson voit dans l’expérience artistique l’occasion d’un retour aux choses mêmes.

c) C’est parce qu’il ne sert pas que l’art nous sert le plus.


Invité(s) : Alexandre Larguier, professeur de philosophie au Lycée Charles Renouvier à Prades Fabienne Brugère, professeur de Philosophie à l'Université Montaigne - Bordeaux-III.


2/5 : Qu'attendons-nous pour être heureux ?



Bibliographie conseillée :

- Pascal, Pensées, Fragment 172 selon la numérotation Brunschvicg (éditions GF, p. 96)

- Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, §§ 56-59

- Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire, Cinquième Promenade (éditions GF, pp. 100-103)

- Simone Weil, La pesanteur et la grâce, chapitre intitulé "L'imagination combleuse" (éditions Plon "agora pocket", p. 25)

- Bergson, La pensée et le mouvant, "La vie et l'oeuvre de Ravaisson" (éditions Puf, p. 280)

- Bergson, La pensée et le mouvant, "Le possible et le réel", (éditions Puf, pp. 99-100 et 116)

- Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète, deuxième lettre (référence non citée lors de l'émission).


Plan détaillé :

I. L’attente du bonheur

a. Le bonheur comme objet d'attente (Schopenhauer)

b. Le bonheur dans l'attente


II. Le bonheur comme moment inattendu :

l’intrusion du présent dans l’existence Le sentiment de l’existence : Rousseau (5ième Promenade)


III Le bonheur comme joie de participer à la création qui se fait

a. Redéfinition de l'attente (Simone Weil)

b. L'attente comme disponibilité à la joie et à l'émerveillement (Bergson)


Invité(s) : Olivier Chapignac, professeur de Philosophie au Lycée de St Avold en Lorraine Philippe di Folco


3/5 : Vivre l'instant présent, est-ce une règle de vie satisfaisante ?




Bibliographie conseillée :

- Blaise PASCAL, Pensées, fragment n° 172 (Brunschvicg) / 168 (Pléiade)

- « carpe diem » d’HORACE, Odes (I, 11, A Leuconoé)

- Jean-Jacques ROUSSEAU, Les rêveries du promeneur solitaire (5ème promenade)

- Jean de LA FONTAINE, Fables, « La cigale et la fourmi »

- Les analyses d’Emmanuel KANT dans Les fondements d’une métaphysique des mœurs, 2ème section

- Critique de la raison pure, « Théorie transcendantale de la méthode », chapitre II, deuxième section

- Pierre de RONSARD, Les odes, « Mignonne, allons voir si la rose… »


Plan détaillé :

I – Vivre l’instant présent est, en apparence,une bonne manière d’atteindre le bonheur.

A. Le passé et le futur nous empêchent d’être sereins.

B. C’est au présent qu’on peut et doit être heureux.


II – Mais, en réalité, vivre l’instant présent n’est pasune bonne règle pour une vie heureuse.

A – Le « carpe diem » ne rend pas nécessairement heureux.

B – Aucune règle de vie ne permet d’atteindre le bonheur.


III – Néanmoins, vivre l’instant présent n’empêche pasd’atteindre le souverain bien.

A. Une règle de vie satisfaisante conduit au souverain bien.

B. En soi, vivre l’instant présent ne procure pas ce souverain bien.

C. Toutefois, bien compris, le « carpe diem » n’est pas un obstacle.


Invité(s) : Frédéric Morlot David Lebreton, professeur de philosophie au Lycée Rabelais de Chinon


4/5 : Faut-il être cultivé pour comprendre une oeuvre d'art ?




Bibliographie conseillée :

-Marcel Proust, Le Temps retrouvé,Gallimard,p.77 et aussi : Le Côté de Guermantes,in A la Recherche du Temps perdu, t.II,Pléiade,Gallimard,p.623

-Emmanuel Kant, Critique de la Faculté de Juger,essentiellement les paragraphes 5,7,9,39 à 41. -Jerrold Levinson,Aesthetics and Ethics, Cambridge University Press, 1998. Traduction française in "Le contextualisme esthétique", dans Esthétique Contemporaine, textes réunis par J-P.Cometti,J.Morizot et R.Pouivet, Vrin 2005, p.452.

-Roger Pouivet,L'oeuvre d'art à l'âge de sa mondialisation, un essai d'ontologie de l'art de masse,collection Essais, Ed.La Lettre Volée.


Plan détaillé :

I- Il n'est nul besoin d'être « cultivé » pour comprendre une oeuvre d'art

a- Comprendre une oeuvre d'art: au sens de compréhension globale, saisie intuitive

b- Ce choc avec les oeuvres est susceptible de nous transformer : comprendre une oeuvre, c'est changer de regard.

c- Il est impossible de comprendre une oeuvre d'art si on entend par là simplement une somme d'explications produites sur l'oeuvre.


II- Il faut posséder des éléments de culture pour comprendre la majorité des oeuvres d'art:

a- c'est la culture qui nous enjoint d'apprécier Bach, ou de nous servir d'un Rembrandt autrement que pour boucher une fenêtre.

b- Qu'en est-il, sans une connaissance fine de la culture concernée ?

c- Enfin, comment comprendre le sens de la plupart des oeuvres d'art contemporaines, sans les placer dans un contexte esthétique particulier ?


III- D'une distinction cruciale entre l'art « classique », qui suppose de la culture pour être compris, et l' « art de masse », qui n'en suppose aucune:

a- l'art de masse


Invité(s) : Anissa Castel Anne-Sophie Rémy, enseigne la philosophie au Lycée de Neufchâteau (Vosges)


5/5 : L'histoire n'est-elle qu'un récit ?


Bibliographie conseillée :

- Augustin, Confessions, Livre XI

- Raymond Aron, Leçons sur l'histoire, Livre de poche, p. 155-220.

- Jorge Luis Borges et Adolfo Bioy Casares, Chroniques de Bustos Domecq, traduit de l’espagnol par François-Marie Rosset, Denoël et d’ailleurs, 1967, (1970 pour la traduction), p. 125-129

- Paul Ricoeur, Temps et récit I, Seuil, p 79-86, p. 165-310


Plan détaillé :

I. En quoi l’histoire est-elle un récit ?

A. Pourquoi l’histoire s’appuie-t-elle sur des récits ?

B. Quelles sont les caractéristiques d’un récit historique ?

C. Comment construire un récit historique ?


II. En quoi l’histoire n’est-elle pas qu’un récit ?

A. Ne penser l’histoire que comme un récit c’est risquer d’avoir une approche caricaturale de l’idée d’évolution des hommes et de l’idée d’un progrès à travers le temps

B. En quoi l’histoire excède-t-elle la dimension du récit ?


III. Dans quelle mesure est-il donc pertinent de caractériser l’histoire comme récit ? A. Le récit historique : la suite logique de l’histoire en train de se faire ?

B. Le récit, opération seconde, est-il secondaire et en marge de l’activité de l’historien ?


Invité(s) : Elodie Cassan, professeur de philosophie au Lycée Jean Rostand à Villepinte Roger-Pol Droit, philosophe

A lire également (outre les annales de bac...!!!)

Raphaël Enthoven, La dissertation de philo, Paris, Fayard, 2010.

Démystifier l’épreuve de philosophie au bac par l’exemple et les conseils pédagogiques, telle est l’ambition de ce livre. A partir de sujets couvrant la majeure partie du programme, deux professeurs abordent chaque thème en en décortiquant les contenus, les enjeux et les pièges par une méthode de questions réponses conduite par Raphaël Enthoven. Une fois le thème désossé, les professeurs rédigent une dissertation modèle qui permet à l’étudiant de saisir le passage entre mobilisation des savoirs et mise en forme efficace. Ce ne sont pas des « annales du bac », mais une propédeutique de la méthode philosophique.

A suivre... A. Cuvelier, pour l'équipe Sces Po.

mercredi 6 avril 2011

Le retour...(Il était temps!)

Chers élèves... Bonjour ou bonsoir, C'est selon. Après une interruption de deux mois, le blog de l'Initiation aux Sces Po de St Rémi est "de retour"! Aujourd'hui, faisons un petit détour par la "démondialisation". Quel rapport avec les thèmes du concours commun, me direz-vous? Et bien, justement, qui dit "frontière(s)", dit rapport à la mondialisation, qui correspond, au moins en Géographie à "la mise en relation des différentes parties du monde par l'intermédiaire des flux de diverses natures, liés à l'internationalisation de la production". De fait, la mondialisation franchit les frontières... Or, ce matin à l'écoute quasi religieuse de France culture, mon attention a été accrochée par l'excellente rubrique de Julie Clarini, "Les Idées claires", dont la lecture me semble riche d'enseignement pour votre travail préparatoire sur le thème des frontières, évoqué plus haut. En voici le texte:

La démondialisation
06.04.2011 - 07:35

"C’est drôle la vie des idées, il suffit de la concomitance d’un livre, d’un article, ou parfois d’une parole politique, pour qu’on se dise : « tiens, voilà un dernier concept à la mode ». Et qu’on ait envie d’en savoir plus. C’est ce qui m’est arrivé, ce dernier lundi, en lisant Arnaud Montebourg rappeler dans l’interview qu’il a donné au quotidien du soir qu’il est le candidat de la « démondialisation », La démondialisation, c’est exactement le titre du livre tout récent de l’historien et économiste Jacques Sapir.
C’est donc une idée qui était disponible, là, dans l’espace public, toute prête à ce qu’on la cueille pour des usages, des usages aussi divers que le marketing politique ou l’analyse économique. En réalité, en faisant une petite enquête, il y a deux acceptions du mot démondialisation, qui ne disent absolument pas la même chose.
Une acception purement économique : qui est un constat, le constat que la crise financière de 2008 a produit un recul du volume des échanges, à l’échelle planétaire. C’est la contraction vertigineuse de la demande de biens qu’on a baptisée démondialisation, car c’est un mouvement opposé à celui de la globalisation marchande. L'expression a fait une entrée remarquée, d’ailleurs, sur la scène internationale lors d'un discours du premier ministre britannique, Gordon Brown, au Forum de Davos. C’était en 2009. Pas besoin de le préciser : dans un cadre comme Davos, la démondialisation, ça décontenance…

Et puis il y a l’autre acception qui curieusement s’est imposée dans un cadre exactement contraire : celui des Forums sociaux. On l’entend dès 2002 dans la bouche de certains altermondialistes. Pour eux, la démondialisation, ce n’est pas la contrition, au contraire, c’est un projet qui engage. On démondialise pour mieux vivre. Le sociologue philippin Walden Bello est le premier à donner forme au concept. Son livre-référence sur le sujet devrait paraître en français dans quelques mois, presque 10 ans après sa première édition.

Sous sa plume, la démondialisation est une alternative, c’est un projet politique, qui naît principalement de la contestation du rôle central de l’OMC. L’organisation mondiale de commerce, qui prétend régir les échanges à l’échelle de la planète, est accusée d’écraser les économies les plus faibles. On lui fait le procès régulièrement chez les altermondialistes. Eh bien, face à cette grosse machine, Walden Bello préconise un retour aux structures régionales. J’ai retrouvé un entretien avec lui traduit dans le numéro 25 de la revue Mouvements. Son idée est simple : en finir avec un modèle univoque qui s’applique aux pays en voie de développement sans leur laisser la possibilité de déterminer eux-mêmes leur stratégie économique. Le paradoxe, explique-t-il, c’est que « l’expérience des nouveaux pays industrialisés, ou de l’Amérique latine des années 60 et 70, démontre que tout ce qu’ils ont accompli en matière de développement capitaliste reposait précisément sur une telle marge de manœuvre, en particulier en matière de politique commerciale ». Voilà pourquoi il se bat pour que tous les pays reconquièrent cette marge de manœuvre, pour des institutions régionales plutôt que mondiales, capables de prendre en compte les spécificités de chaque partie du monde.

On l’entend, la démondialisation ce n’est pas mettre à bas le commerce mondial. A vrai dire, ses tenants n’ont rien contre l’accroissement des richesses si elles sont mieux partagées. Ce n’est pas non plus prôner un repli nationaliste, on reste dans une perspective internationaliste. Non, « démondialiser », c’est plutôt réorganiser la planète en plusieurs zones géographiques cohérentes et autonomes. Voilà le seul moyen, à leurs yeux, d’assurer une croissance responsable sur le long terme.

Mais le mystère reste intact : comment Arnaud Montebourg est-il tombé sur ce mouvement de pensée ? Un conseil avisé, une lecture, une rencontre à Porto Alegre ? on ne le saura jamais, c’est bien dommage. En tout cas, c’est finement joué : la démondialisation est un concept intéressant qui n’est ni du protectionnisme pur jus ( qui ferait hurler ses camarades), ni de l’altermondialisme version décroissante (ce qui ferait hurlé tout autant ses camarades).

Mais en terminant cette chronique, j’ai un soudain doute : au fait, qui dirige l’OMC ? un socialiste ! Et le FMI ? …Mais c’est vrai qu’au Parti socialiste on a le droit de tendance !"

A. Cuvelier, pour l'équipe Sces Po