lundi 27 décembre 2010

Eloge des frontières, Régis Debray


Chers élèves,

En ces vacances de Noël, nous espérons que vous travaillez très DUR!
Pour aborder(l'année avance très vite!!), mais surtout pour prolonger un des thèmes du concours commun(=les Frontières), voici la transcription intégrale d'une émission de France Culture proposant les grandes lignes de l'ouvrage du philosophe Régis Debray(1), "Eloge des frontières", publié chez Gallimard en 2010.
A vous de lire cette transcription qui pourra vous apporter quelques pistes de réflexion sur le thème en question.
Plus bas, vous retrouverez deux vidéos-interview de notre Régis Debray en question qui seront un complément agréable au jeune public que vous êtes.
Source: http://www.franceculture.com/player?p=reecoute-3529961#reecoute-3529961
Emission de France Culture « Pas la peine de crier » du lundi au vendredi de 6h à 7h: http://www.franceculture.com/emission-pas-la-peine-de-crier.html
Chronique: L'Essai du jour par Philippe Petit du lundi au vendredi de 6h41 à 6h45
Eloge des frontières, par Régis Debray (Gallimard)
16.12.2010 - 06:42

Transcription:

Qui connait le dieu « Terminus », dieu romain, gardien des bornes et des limites?
Personne à part Régis Debray...
[...]Aujourd'hui, il est de bon ton de glorifier la transgression des frontières, le dépassement des limites, l'ouverture sur la mondialisation, la déterritorialisation. (Or,) Régis Debray nous invite à retracer les frontières.
La thèse est simple: plutôt que de dépasser les frontières à la fois matérielles et mentales, tentons de les penser, car à défaut de tracer des frontières, ce sont des murs qui sont érigés. La frontière n'est pas un mur, elle marque une limite, certes, mais seulement en tant qu'elle est franchissable, c'est un espace de régulation et de passages. Elle n'est pas un pont, car son rôle est de délimiter un intérieur d'un extérieur. Une frontière, comme une membrane, n'est ni ouverte ni fermée, mais ouverte et fermée à la fois. R.Debray nous rappelle quelques vérités oubliées: pas de culture sans clôture, pas de sacré sans enceinte, pas de vivant sans membrane, et cela est important. Sans frontière entre un intérieur et un extérieur, (il n'y a)ni culture, ni temple, ni vivant. Un être sans extérieur est un être sans intérieur.
- « Mais pouvoir circuler peut être une bonne chose, on peut aimer voyager, traverser les frontières et ne pas être un sans frontière obtus...? »(intervention de la présentatrice Marie Richeux)
Mais la réalité n'a pas la couleur de nos rêves: chiffres à l'appui = 27000 km de frontières nouvelles ont été tracées depuis 1991, 10000 autres de murs, de barrières et de clôtures sophistiquées sont programmés pour les prochaines années. Entre 2008 et 2010, 26 cas de graves conflits frontaliers ont été dénombrés. On exalte l'ouverture, tandis que l'industrie de la clôture électrifiée et vidéo surveillée augmente chaque année un peu plus, on exalte le village planétaire, l' « ubiquitaire » numérique, mais les États sont de plus en plus nombreux, les politiques de plus en plus provincialisées, et les villes de plus en plus ghettoisées, « ghetted communities », ou bidonvilles. Et la mer est elle-même territorialisée.
- « Quelle est la thèse de R.Debray? »
Reprenons le débat: Laurent Joffrin, dans Libération, soupçonne Debray de faire allégeance à Joseph de Maistre, qui ne connaissait pas d'Hommes mais seulement des Français, des Italiens, des Allemand. Donc J. de Maistre serait le premier anti-droit de l' « hommiste ». Et donc de vouloir rabattre l'homme sur sa culture d'origine.
Mais ce n'est pas ce que dit R. Debray, car sa thèse est à la fois philosophique, l'être et la limite adviennent ensemble, et politique, il ne faut pas confondre les deux. Il n'y a pas de communauté sans limite avec un extérieur, pas plus qu'il n'y pas de mer sans rivage. Il n'y a de politique sans frontière , et une politique est toujours une politique des séparations, le nier ce n'est pas supprimer les frontières, c'est les transformer en mur. C'est transformer l'étranger en réfugié , transformer le peuple en population, là il rejoint Michel Foucault, à force de ne pas penser la séparation , c'est la ségrégation qui prend le dessus.
- « Alors qu'appelle R. Debray le « sans frontière »?
C'est une idéologie qui accompagne un économisme globalisé, un technicisme standardisé, un absolutisme généralisé et un impérialisme décomplexé. Qu'il soit utile de mettre le monde en réseau ne signifie que l'on puisse habiter ce réseau comme un monde. Il n'est pas de partage sans partition, pas d'échange sans limite, celui qui se sent partout chez soi, n'habite nulle part.
Prenons un exemple: Israël, dit Debray, est un État qui réclame à juste titre d'avoir des frontières sûres et reconnues, mais qui ne précise pas lesquelles. Sans frontières assignées, Israël, d'un côté, encourage les colons et, de l'autre, érige des murs. Israël a besoin de la Palestine, comme la Palestine a besoin d'Israël, car tous deux ont besoin de frontières. Ce ne sont pas les frontières qui font la guerre, c'est leur absence. Car à force d'outrepasser les frontières, on érige des murs, cela ressemble à ceux qui à force d'éviter la polémique préfère faire la guerre. Face au rouleau compresseur de la convergence, dit Debray, réanimons nos dernières divergences et d'ajouter: un pays comme un individu peuvent mourir de deux manières, dans un étouffoir ou dans les courants d'air. Il est encore temps d'apprendre la culture du conflit.
(1) Qui est Régis Debray? Voir: http://www.regisdebray.com/

Les extraits vidéos proviennent d'abord de l'interview accordée par Debray dans "Les Matins" de France Culture:


“La première frontière c’est la peau”


La seconde vidéo de l'émission de Taddeï "Ce soir ou jamais" sur France 3, du lundi au jeudi, en deuxième partie de soirée:


Livre: éloge des frontières de Régis Debray CSOJ 29/11/2010


Vous trouverez également un résumé de l' "Eloge des frontières" sur le site suivant: http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=2080

Travaillez bien et beaucoup, reposez-vous un peu, et "bon courage"!
A. Cuvelier, pour l'équipe Sces Po.
PS: Nous vous invitons à faire vos propres transcriptions d'émissions de radio, voire... de la TV (mais, la TV... ^_^): fouillez dans les anciens messages de ce blog pour exploiter les outils en question!