lundi 7 novembre 2011

« L'emprise étouffante de la religion » (Boualem Sansal 1)

Chers élèves, concernant le thème de la religion, nous souhaitons aujourd'hui partager avec vous cette réflexion de Danièle Sallenave 2, dans la rubrique radiophonique, « Les Idées claires » sur France culture: http://www.franceculture.fr/emission-les-idees-claires-de-daniele-sallenave-les-idees-claires-de-daniele-sallenave-2011-10-21.ht


(C'est D. Sallenave qui parle)
« La laïcité à la française: elle satisfait tous les croyants, puisqu'elle accorde la liberté de professer comme on le souhaite la religion qu'on a choisi.
Mais je me dis souvent qu'il est presque plus facile à un incroyant qu'à un croyant d'en accepter la règle de totale neutralité dans l'espace public.
D'ailleurs est-ce aussi simple? De quoi s'agit-il quand on parle d'espace public? Est-ce qu'on parle des institutions, les écoles, les hôpitaux ou bien plus largement tout l'espace où l'on vit, où on est ensemble en public? La rue, les autobus, la ville et la campagne?
Pour ma part, je ne partage pas cette vision extensive, par exemple à propos de certaines lois relativement récentes, je ne vois pas pas pourquoi on pourrait interdire à quelqu'un de se vêtir comme il veut.


[Revenons sur la formulation] Emprise étouffante de la religion
Sans doute mais aux yeux de qui?
Pour quiconque bénéficie de droits politiques et sociaux, et d'un statut économique pas trop défavorable, cela va de soit. Il souhaite avoir le droit de pratiquer la religion qu'il veut, ou de n'en pratiquer aucune, il souhaite que les religions n'empiètent pas sur ses choix, et sur les choix politiques et sociaux dans la société dans laquelle il veut vivre librement avec d'autres. Il souhaite donc un mode de société que les Anglo-Saxons appellent non pas laïque, mais sécularisée, ce qui signifie que ce n'est plus la référence à un dieu quel qu'il soit qui inspire et dicte nos choix.
Or ce n'est pas le mode de société dans lequel vit actuellement la majorité des habitants de notre planète. L'emprunte et la marque religieuses y sont partout présents, comme référence de la vie quotidienne, et surtout s'ils sont pauvres ou très pauvres, comme un espoir dans un monde meilleur que c'est ici bas, et plus encore comme une source de charité, et d'accompagnement sociale, là où les États ne remplissent pas leur rôle, songeons à ce qui se passe dans le bande de Gaza, ou en Afghanistan, par exemple.
Je ne dis pas que la religion, c'est bon pour les pauvres. Je me permets d'en revenir à ce que disait Marx, « la religion est l'opium du peuple, mais aussi, disait-il, le soupir de la créature accablée, l'âme d'un monde sans cœur » .[La religion] étouffe l'homme, çà c'est bien possible, mais on ne desserrera pas les mâchoires de cet étau sans desserrer d'abord les mâchoires de la nécessité vive et crue. »
Transcription d'A. Cuvelier, pour l'équipe Sces Po. du lycée St Rémi, Roubaix, http://www.saintremi.com/


1. Boualem Sansal est un écrivain algérien, voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Boualem_Sansal
Voir aussi à son sujet: http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20111013.OBS2356/boualem-sansal-le-dissident.html
2. Danièle Sallenave est un écrivain français, élue à l’Académie française. Normalienne, agrégée de lettres, elle a également collaboré au journal Le Monde, à la revue Le Messager européen et aux Temps modernes. Elle a enseigné la littérature et l'histoire du cinéma à l'univesité Paris-X Nanterre. Elle tient depuis septembre 2009 une chronique hebdomadaire sur France Culture. Le 7/04/2011, elle a été élue à l'Académie française au fauteuil (n° 30) de Maurice Druon.
Source: http://fr.wikipedia.org/wiki/Danièle_Sallenave