jeudi 20 septembre 2012

La science au service du nazisme



Chers élèves, chers lecteurs,
Si votre sujet de question contemporaine au concours commun d'entrée en IEP ne peut être un sujet d'Histoire (ex. au hasard, « Les Lumières et la science »), en revanche, le correcteur appréciera la diversité (car on attend de vous une démarche pluridisciplinaire) de vos références et de vos exemples (car on illustre une idée par un exemple). De ce fait, nous vous invitons à vous pencher sur le livre de Laurent Olivier 1, Nos ancêtres les Germains, Les archéologues au service du nazisme, Paris, Tallendier, 2012, ouvrage dans lequel l'auteur fait la démonstration de l'asservissement de la science envers un régime totalitaire, le nazisme.
En voici la 4e de couverture :

C’est un secret bien gardé. Près de 90 % des archéologues allemands ont été membres du parti nazi. Mise au service du nazisme, l’archéologie fournit alors une légitimité scientifique à l’entreprise d’« épuration raciale » et de germanisation forcée menée par le IIIe Reich dans toute l’Europe occupée. Archives à l’appui, Laurent Olivier lève le voile sur l’embrigadement de l’archéologie allemande et met en évidence son obsession à prouver la présence germanique en Europe, et en particulier en France. Il s’agit d’établir la parenté supposée entre les mégalithes de Bretagne et ceux du nord de l’Allemagne et de la Scandinavie pour promouvoir l’idée d’une communauté de sang « nordique », ou de prouver le passé exclusivement germanique de l’Alsace. Ce que révèle Laurent Olivier, dans cette enquête fouillée, c’est à quel point les archéologues français ont largement coopéré, sous Vichy, avec leurs homologues nazis à la réécriture des origines de l’Histoire. Après la guerre, la plupart des archéologues recrutés au service des institutions du IIIe Reich ont poursuivi leur carrière à l’université ou dans les musées, entretenant une véritable omerta sur le passé nazi de l’archéologie.
De plus, comme votre temps est précieux et compté, nous vous invitons à écouter sur France culture.fr l'émission de Caroline Broué de ce lundi 18 septembre 2012 :
http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-1ere-partie-l-instrumentalisation-politique-de-l-archeologie-2012-09-18 Émission dans laquelle les invités donnent un éclairage pertinent dans le prolongement du travail de L. Olivier. Voici quelques extraits de cette interview accessible sur le site de l'émission :
Tobie Nathan2 : « On retrouve la référence à l’origine. Jusqu’alors, l’origine c’est un mythe, nous avons tous une origine mythique et tout d’un coup, elle perd de sa mysticité et devient scientifique et c’est les Allemands qui apportent ça. C’est à partir de ce passage de l’origine mythique à l’origine scientifique que tout bascule. […] L’archéologie s’attaque à cette notion fondamentale de mythe et l’archéologie nazie a d’ailleurs bien saisi l’enjeu et elle est allée chercher le problème là où résidait le mythe. »

Pascal Blanchard3 : « Dans les années 30, la République française tente de se légitimer au nom d’une race française. Apparaissent des républicains totalement infiltrés par la pensée raciologique du XIXe siècle et par une pensée raciste Outre Mer aux colonies. Et là on est dans la démocratie et plus dans la dictature et c’est ça qui est intéressant à voir : à un moment il faut légitimer son pouvoir par la science. On peut alors s’interroger sur le rôle des scientifiques et leur capacité à dire non lorsqu’ils se sentent instrumentalisés. 
[…]
C’est ce qui fait débat qui fait la science et non pas l’affirmation. Il faut donc plus de 60 ans pour déconstruire quelque chose qui s’est construit et qui arrangeait tout le monde par le silence. C’est le boulot la contradiction ! »

Gérard Mordillat4 : « Cette réécriture permanente du passé est quelque chose d’effrayant car c’est sans cesse le leurre : on nous montre quelque chose qui n’est pas la réalité mais qu’on désigne comme tel au nom de la science. 
[…]
Dans le livre de Laurent Olivier on sent bien une certaine puissance de la littérature, comment Rosenberg et son institut d’études archéologiques réécrivent et refont sans cesse l’histoire : ce qui est découvert dans la terre doit être écrit pour avoir une légitimité. » 

Enfin, pour les plus curieux envers le monde archéologique, vous pouvez prolonger cette écoute avec celle du Salon noir, l'excellente émission d'archéologie de France culture, animée par Vincent Charpentier :
 A. Cuvelier 

1Qui est Laurent Olivier ? Il est le Conservateur en chef du département des âges du Fer, musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye
2Qui est Tobie Nathan? Il est professeur de psychologie à l’Université de Paris VIII, diplomate et écrivain. Il est le représentant le plus connu de l'ethnopsychiatrie en France (source: http://fr.wikipedia.org/wiki/Tobie_Nathan ). Voir également le blog de M. http://tobienathan.wordpress.com/
3Qui est Pascal Blanchard ? Il est historien, documentariste et directeur d'agence de communication français. Notez que l'article qui le présente sur Wikipedia est source de critiques : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pascal_Blanchard_%28historien%29
4Qui est Gérard Mordillat ? Il est cinéaste et romancier français : http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9rard_Mordillat