jeudi 7 février 2013

Justice/IEP: Justice sociale, "L'art d'ignorer les pauvres"

Chers élèves, et notamment à nos chers étudiants, chers lecteurs,
Le thème de la justice sociale vous a valu un beau plantage en examens de fin de semestre.
Afin de ne pas "bloquer" seulement sur des problèmes méthodologiques, mais de vous apporter du grain à moudre (c'est-à-dire approfondir vos connaissances), nous vous conseillons d'une part de réécouter l'émission de France culture, « La grande table » de ce mardi 05/02/2013, sur le thème « Qui sont les pauvres ? » : http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-1ere-partie-qui-sont-les-pauvres-2013-02-05
Puis de prolonger cette écoute par quelques lectures en ligne, dont le point de départ est en anglais :
Retroview: What Poverty Means by Neil Gilbert
Although the poor have always been with us and, as the Bible suggests, will continue to be so (Deut. 15:11), it was not until the late 19th century that Charles Booth made the first scientific effort to determine their numbers. From his seminal 1880s survey of the working classes in London up to the mid-20th century, poverty typically meant a level of subsistence that barely afforded sufficient food, lodging and clothing. Booth’s initial estimate put the poverty line at about a thousand shillings per year.1 Around the same time in the United States, Robert Hunter reckoned the figure to be $460 per year for the average family of five.2
 
Ensuite penchez-vous sur les réactions des invités de Caroline Broué à cet article :
Ex. :  Magali Reghezza : « C’est un article provocateur, qui propose une réflexion sur la pauvreté en Amérique du Nord. D’après son auteur, si on prend en compte l’éventail des biens dont disposent les pauvres, on peut avoir des doutes sur la véritable étendue de la pauvreté. La pauvreté entendue comme dénuement absolu a quasiment cessé d’exister, mais ceux qui sont considérés comme pauvres sont ceux qui ne peuvent accéder à la société de consommation. Ce point de vue pose problème. Certes, la pauvreté a diminué en tant que dénuement matériel absolu, mais elle continue à empêcher les individus de se réaliser en tant qu’êtres humains. De plus, les inégalités sont de plus en plus croissantes. On ne peut réduire l’individu au toit qu’il a sur la tête, et à sa capacité à manger tous les jours. C’est un peu réducteur, et cela passe à côté des enjeux du 21ème siècle.
Ce qui est gênant, c’est l’apparente objectivité de ce texte, avec un moralisme rampant assez dérangeant opposant le bon pauvre vivant simplement et le mauvais pauvre profiteur. Il donne l’exemple de l’exclusion sociale pour parler de la pauvreté invisible, et souligne par exemple que les pauvres ne sont pas condamnés à vivre dans des zones à risques, car des riches y vivent aussi. Or, les riches ont le choix. Le niveau de richesse matériel finit par être un déterminant du choix individuel.
Ainsi, la question ne serait-elle pas celle de l’inégalité ? Les inégalités ont des coûts sociaux, et donc économiques, extrêmement lourds. Cette question de l’égalité est fondamentale : plutôt que lutter contre la pauvreté, il faudrait lutter contre les inégalités. »
Source : voir le premier lien ci-dessus.
Enfin, l'article de J.K. Galbraith, évoqué durant cette émission, est accessible en cliquant sur ce lien : http://www.monde-diplomatique.fr/2005/10/GALBRAITH/12812
En voici un extrait :
Derrière la fatalité, l’épuration sociale

L’art d’ignorer les pauvres

Chaque catastrophe « naturelle » révèle, s’il en était besoin, l’extrême fragilité des classes populaires, dont la vie comme la survie se trouvent dévaluées. Pis, la compassion pour les pauvres, affichée au coup par coup, masque mal que de tout temps des penseurs ont cherché à justifier la misère – en culpabilisant au besoin ses victimes – et à rejeter toute politique sérieuse pour l’éradiquer.
« Je voudrais livrer ici quelques réflexions sur l’un des plus anciens exercices humains : le processus par lequel, au fil des années, et même au cours des siècles, nous avons entrepris de nous épargner toute mauvaise conscience au sujet des pauvres. Pauvres et riches ont toujours vécu côte à côte, toujours inconfortablement, parfois de manière périlleuse. Plutarque affirmait que « le déséquilibre entre les riches et les pauvres est la plus ancienne et la plus fatale des maladies des républiques ». Les problèmes résultant de cette coexistence, et particulièrement celui de la justification de la bonne fortune de quelques-uns face à la mauvaise fortune des autres, sont une préoccupation intellectuelle de tous les temps. Ils continuent de l’être aujourd’hui. »


A. Cuvelier, http://saintremi.com/
PS : Merci le Monde diplo. !!!