mercredi 8 février 2012

Comment une photographie devient une icône ?


Chers élèves,
Afin de vous préparer à notre sortie au musée des Beaux-Arts de Lille, dans le but de prolonger votre réflexion sur le thème « la religion », nous vous invitons à un détour vers l'émission « l'essai et la revue du jour » de Jacques Munier sur France culture consacré à « la Madone de Benthala »( http://www.franceculture.fr/emission-l-essai-et-la-revue-du-jour-la-madone-de-bentalha-revue-building-2012-02-08 ) . En effet, si vous ne vous offusquez pas à l'idée que nous spéculons quelque peu sur le sujet de juin, dont nous ignorons bien sûr le contenu, nous pouvons imaginer d'aborder ce thème par le biais de l'image et des rôles que celle-ci joue vis-à-vis du religieux (vous nous reprendrez bien un peu de Piss Christ et de caricatures du Prophète, non ? :
Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Piss_Christ & http://fr.wikipedia.org/wiki/Caricatures_de_Mahomet_du_journal_Jyllands-Posten ).
Nous pouvons notamment nous pencher sur les liens entre art et religion, ce qui vous permettra de penser votre thème dans son rapport à la société, à travers les buts de l'artiste, son vocabulaire, etc. Premier exemple avant les Beaux-Arts, la photographie de la « madone de Benthala » (au passage, cela vous permettra de tester votre maîtrise du programme d'Histoire sur le « Nouvel ordre mondial », à travers la complexe guerre civile algérienne des années 1990 = pensez aussi au film « Des hommes et des dieux »).

Que nous apprend cette « madone de Benthala », grâce au livre de Juliette Hanrot : La Madone de Bentalha. Histoire d’une photographie, Paris, Armand Colin, 2012 ?

Le 22 septembre 1997, à Bentalha, banlieue d’Alger, se déroule l’un des massacres de civils les plus sanglants de la « sale guerre » algérienne (Dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997 fit près de 300 victimes, notamment à l'arme blanche).
Le lendemain, Hocine Zaourar, photographe algérien de l’AFP, saisit une femme s’effondrant de douleur contre un mur de l’hôpital où ont été transportés les blessés. La photographie connaît une diffusion mondiale immédiate : elle fait la Une de plus de 750 quotidiens. La presse la baptise dans un même élan : « Madone de Bentalha », « Piéta de Bentalha », « Une madone en enfer »… Le cliché, qui circule accompagné de fausses légendes, incarne dès lors toute la souffrance des civils dans le conflit algérien. Plusieurs fois primée et support d’œuvres d’art, la Madone de Bentalha est aujourd’hui un symbole atemporel, un véritable lieu de mémoire des massacres contemporains. Il fallait l’analyse éclairée de Juliette Hanrot pour saisir ce mythe et sa portée : le regard de nos sociétés occidentales contemporaines sur les violences extrêmes et sur cette photographie de guerre, vierge de sang.
Juliette Hanrot est professeur agrégée d’histoire et diplômée de Sciences Po.
Elle enseigne au lycée Ionesco d’Issy-les- Moulineaux.
Source : http://www.armand-colin.com/livre/360368/la-madone-de-bentalha.php
Qu'en dit J. Munier ?
Avec cette photographie, on y retrouve la tradition picturale des piétas du Caravage, de Michel-Ange, etc.[...], l'expressivité méditerranéenne de la déploration.
L'image perd une partie de son ancrage dans l'événement, pour trouver une dimension universelle.
L'aspect esthétique de la photographie plonge notre regard dans une émotion quasi religieuse proche de l'icône.
Cette photographie devient une légende. Or, comme le dit l'historien de l'art Georges Didi-Huberman (cité par J. Hanrot), pour que cette légende devienne efficace, l'élément fondamental de cette efficacité n'est autre que sa transmission, sa tradition, sa capacité à perdurer dans le jeu de ses transformations.

Vocabulaire nécessaire à votre préparation :
ICÔNE : Du grec byzantin eikona « image ». Image du Christ, de la Vierge ou des saints qui est offerte à la vénération des fidèles. Pour les Orthodoxes, une icône n'est pas seulement une illustration : avec les Écritures, elle est un signe visible de la Révélation : l'icône du Christ, figurant son Hypostase, révèle autant sa divinité que son humanité. Ainsi s'expliquent les rites qui accompagnent la confection des icônes et la vénération dont elles sont l'objet.
Hypostase : Du grec upostasis « action de se passer dessous ». « Hypostase » correspond à « substance » (du latin substare « se tenir en dessous »). La théologie grecque appelle Hypostase chacune des trois Personnes de la Trinité (=Le Père, le Fils et le Saint Esprit) en tant que substantiellement distincte des deux autres. Il y a en Dieu trois Hypostases en une seule Nature ; dans le Christ, une Hypostase en deux Natures.
Nature : La Nature divine et la Nature humaine du Christ sont unies en une seule Personne, celle du Fils unique de Dieu, dans lequel elles ne sont ni confondues, ni séparées, comme le définissent les conciles d’Éphèse (431) et de Chalcédoine (451).
MADONE : De l'italien madonna « ma dame ». Nom donné à la Vierge Marie. On l'utilise particulièrement pour désigner une peinture italienne représentant la Vierge.
PIETÀ : Mot italien qui signifie à la fois « pitié » et « piété ». Le mot désigne une peinture ou sculpture représentant Marie assise au pied de la croix, tenant sur ses genoux le corps mort de son fils. On dit également Mater Dolorosa ou Vierge de Pitié.
Source : Michel Feuillet, Vocabulaire du christianisme, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, 2009 (pour la dernière édition) ; http://www.puf.com/wiki/Que_sais-je:Vocabulaire_du_christianisme
Vivement samedi !
A. Cuvelier, pour l'équipe d'initiation aux Sces Po du lycée St Rémi, Roubaix http://www.saintremi.com/