mardi 23 avril 2013

Science et Justice/IEP: Retour sur le procès de l'Aquila

Chers élèves, chers lecteurs,
Merci à Lise de nous permettre de prolonger cet ancien article : http://sciencepostremi.blogspot.fr/2012/10/justice-vs-science-iep-le-seisme-de.html
En effet, croiser les deux thèmes « science » et « justice », par exemple « Science et justice » est un excellent exercice d'entraînement pour votre objectif du 25 mai...
De fait, voici quelques réactions suite à la condamnation des scientifiques lors du séisme de l'Aquila en Italie :

L'Aquila : il ne s'agit pas de science mais de corruption
Par Sabina Guzzanti, actrice italienne et réalisatrice de "Viva Zapatero !" et "Draquila, l'Italie qui tremble"

Lors du procès de L'Aquila, ils ont utilisé un extrait de mon documentaire «Draquila, l'Italie qui tremble» en tant que pièce à conviction. L'un des scientifiques reconnu coupable nous avait accordé à l'époque une interview au cours de laquelle il a admis avoir agi illégalement ; il a confessé que la réunion de crise organisée entre les scientifiques afin de déterminer la gravité de la situation était une mise en scène. Ils ont agi ainsi pour donner l'impression qu'ils étaient en charge de cette crise, mais en fait ils n’ont pas eu le temps d'en arriver à la conclusion. Et cette rencontre n'a servi qu'à donner par la suite une conférence de presse afin de déclarer publiquement aux citoyens qu'il n'avaient pas de souci à se faire.

L’Aquila : l’expert travaille avec la probabilité alors que les medias et la justice exigent des réponses certaines
Par Michel Serres, philosophe
N’étant pas expert en droit italien, je ne connais pas les attendus de la cour et ne peux juger le procès de l’Aquila. Par contre, je peux donner mon avis au sujet de la notion d’expertise. Car toute la question est de savoir ce qu’on entend par le terme «expert». Ce dernier ne peut être utilisé de manière légère.
Il y a en effet deux types de sciences :
- La première est déterministe et prévisionnelle. Si vous prenez une boule de métal dans la main et que vous la lâchez, vous pouvez prévoir qu'elle tombera. Et par conséquent, vous pourrez déterminer exactement à quel endroit elle tombera et à quel moment elle tombera. Cela s’appelle la mécanique céleste : vous pouvez prévoir à quelle heure, à la minute et la seconde près, se lèvera le soleil demain et vous pouvez prévoir à quelle minute et seconde précises telle éclipse aura lieu dans un, dix ou mille ans. Ce type de science fondé sur des prévisions n'a pas besoin d'experts.
- Il y a une seconde science dont les prévisions ne sont fondées que sur des statistiques. Cela concerne les prévisions météorologiques, médicales, etc... Les scientifiques ne peuvent, dans ces disciplines, fonder leurs prévisions que sur les statistiques et parler en termes de «cas». Or, il y a une différence énorme entre un cas individuel précis et la statistique.

L'Aquila : les premiers responsables sont les décideurs, pas les experts
Par Vincent Courtillot, professeur à l'université Paris-Diderot, membre des académies des sciences de France, Europe et Chine Membre honoraire de l'IUF
Si la sismologie a fait des progrès fantastiques depuis vingt ou trente ans, elle ne permet absolument pas de prédire les séismes à court terme. Il s’agit d’une impossibilité technique et peut-être même une impossibilité fondamentale. Il est possible que la physique des tremblements de terre soit telle que nous ne puissions jamais les prévoir à l’échelle du jour, du mois ou de l’année.

Rendre les sismologues responsables d'homicides involontaires, c'est complètement délirant!
Par Michel Alberganti, journaliste scientifique. Producteur de l'émission «Science Publique» sur France Culture.
Les experts doivent-ils être punis? Tout dépend le domaine où cette expertise s'exerce. Un géomètre expert qui se trompe dans une mesure, étant donné que c'est un métier qui est complètement balisé, où il n'y a pas de source d'erreur ou d'incertitude c'est une faute. Pareil pour un expert comptable, s'il fait une erreur de calcul, c'est une faute. Tous les domaines dans lesquels il y a des lois physiques qui permettent de prévoir les phénomènes, dans ces cas là, ce sont de vraies fautes professionnelles si l'expert se trompe.

Lire également la réaction de Patrick Gaudray, directeur de recherche au CNRS :

Précision : certes, nous avons sélectionné des articles majoritairement en faveur de la défense des scientifiques, mais le choix répond avant tout à la qualité des intervenants sur le site Newsring.fr

Bonne lecture
A. Cuvelier, http://saintremi.com/